Lors de la messe célébrée pour l’occasion à Lampedusa, le pape a fustigé « l’indifférence » du monde au sort des migrants, expliquant que lui-même n’avait été informé que récemment de cette « tragédie », récurrente en Méditerranée. Le pape est Argentin. Il n’a été nommé pape qu’en mars dernier à Rome, et le récent naufrage d’une embarcation d’immigrés venant d'Afrique l'a « profondément touché », explique son entourage.
D’où cette visite à Lampedusa, annoncée il y a seulement une semaine, alors que le moindre voyage papal est normalement préparé des mois à l’avance. Une visite due aussi à une simple lettre envoyée au pape par le père Stefano Nastasi, le curé de la paroisse de Lampedusa, qui s'était immédiatement réjoui de la venue de ce « fils d'immigré ». En effet le père du pape François vient d’Italie ; il a émigré vers l'Argentine, où il a rencontré sa femme.
Une situation familiale qui avait visiblement rendu le futur pape sensible à la situation des migrants. Lorsqu'il était archevêque de Buenos Aires, il avait dénoncé leur exploitation, parlant d’ « esclavage », et affirmant que ceux qui ne faisaient rien pour les aider se rendaient par leur silence complices de leur situation.
Un hommage aux 20 000 victimes
C’est en avion que le pape est arrivé, mais c’est avec à bord de la vedette des garde-côtes, une embarcation qui a secouru 30 000 personnes ces dernières années, qu’il s’est rendu devant la Porte de l’Europe, le monument dressé à la mémoire de toutes les victimes des naufrages, pour lancer une couronne de chrysanthèmes aux couleurs du Vatican (jaunes et blancs) avant de se recueillir. Les bateaux de pêcheurs qui l’accompagnaient ont ensuite fait retentir leurs sirènes en signe de deuil. On estime qu’en vingt-cinq ans, 20 000 personnes ont trouvé la mort en tentant cette traversée vers l’Europe.
Il est ensuite allé à la rencontre des migrants qui en avaient fait la demande, après avoir accosté sur le quai où sont conduits les réfugiés - aujourd’hui encore, juste avant sa venue, 166 personnes ont été secourues. « Nous avons fui notre pays pour deux motifs : économiques et politiques », a expliqué au pape un homme arrivé récemment.
Ces migrants qui débarquent en Italie viennent en majorité d’Erythrée et de Somalie, mais aussi d’Afghanistan, d’Egypte, Gambie, Mali, Pakistan et Syrie, selon le HCR. Depuis le début de l’année, 4 000 migrants ont déjà débarqué à Lampedusa, soit trois fois plus qu’en 2012.
Mais on n’atteint pas encore les sommets de 2011, au moment des printemps arabes, où 50 000 personnes venant de Libye et de Tunisie avaient déferlé sur l’île.
Davantage de solidarité pour les migrants
« Nous avons perdu le sens de la responsabilité fraternelle », « la culture du bien-être nous rend insensibles aux cris d’autrui », a expliqué pendant son sermon un pape qui a dit vouloir « réveiller les consciences afin que ce qui s’est produit ne se répète plus ».
Un message d’autant plus fort que du stade où le pape François a célébré cette messe (devant 10 000 personnes), on pouvait apercevoir les épaves des navires de fortune des migrants, entreposées non loin de là. D'ailleurs le lutrin, le cadre en bois sur lequel le pape appuyait ses feuilles, avait été confectionné par un artiste local avec un gouvernail et des morceaux de rames.
Sous le signe de la pauvreté et de la solidarité
Le pape a aussi dit « sa gratitude sincère et ses encouragements » aux 6 000 habitants de Lampedusa, aux associations de bénévoles et aux forces de sécurité : « Vous êtes une petite communauté mais vous offrez un exemple de solidarité. »
Le premier voyage du pape François a donc été placé sous le signe de la pauvreté et de la solidarité. Logique pour ce premier pape de l'hémisphère sud qui, au début de son pontificat, avait laissé entendre qu'il voulait une « Eglise pauvre pour les pauvres » et qui, il y a deux jours encore, appelait des milliers de jeunes prêtres et novices venus du monde entier au Vatican à ne pas oublier leur vœu de pauvreté.