« Ce n’est pas une époque pour les gens lâches ». Dans le long discours d’investiture qu’il a prononcé devant le Parlement de Catalogne, cette phrase de Carles Puigdemont est particulièrement révélatrice, analyse notre correspondant à Madrid François Musseau.
Celui qui était jusqu’alors le maire de Gérone, la deuxième ville de la région derrière Barcelone, sait parfaitement que sa mission est historique, voire impossible, estiment certains. Il s’agit ni plus ni moins de superviser la rédaction d’une nouvelle Constitution, la soumettre par référendum aux 7 millions de Catalans, puis, en cas de réussite, déclarer de façon unilatérale l’indépendance de cette région rebelle, et ce en 18 mois, c’est-à-dire d’ici la fin de l’année 2017.
« Nous devons (...) lancer le processus pour créer un Etat indépendant en Catalogne, pour que les décisions du Parlement catalan soient souveraines », a-t-il lancé ce dimanche sous les applaudissements, quelques heures avant que l'Assemblée, à majorité indépendantiste, ne l'élise à la tête du gouvernement régional pour succéder à Artur Mas.
Indépendance
Puigdemont, brocardé par les non-nationalistes catalans, a dit qu’il mettrait « toute son énergie pour mener à bien la rupture avec l’Espagne ». Dans un premier temps, d’ici fin février, il va promulguer une loi pour modifier le statut de la sécurité sociale, qui verse les allocations chômage et les retraites, afin que cette sécurité sociale ne soit plus sous tutelle de l’Espagne mais sous celle de la Catalogne. Un affrontement sans merci avec Madrid et le reste du pays est assuré.
Carles Puigdemont succède ainsi à Artur Mas qui, sous la pression de ses détracteurs, a renoncé samedi soir à briguer un nouveau mandat. Partisans et adversaires de Artur Mas s'affrontaient depuis cent jours. Le retrait de sa candidature de Artur Mas a permis la formation d'une large coalition de gouvernement, qui rassemble des conservateurs et la gauche anticapitaliste et éviter la tenue de nouvelles élections. Les indépendantistes avaient remporté le 27 septembre la majorité absolue de 72 sièges sur 135 au Parlement régional, avec 47,8% des voix.
Des lunettes rectangulaires pour le côté studieux, un petit sourire timide en coin qui inspire la confiance, c’est sûr, Carles Puigdemont tranche avec l’apparence rigoriste et austère d’Artur Mas. Etudiant en philologie, puis journaliste, il est un indépendantiste de première heure. Il remporte la mairie de Gérone en 2011, une victoire symbolique, cela faisait 32 ans que la ville catalane était aux mains des socialistes.
A la tête d'une région riche
Avec ses 7,5 millions d'habitants, la Catalogne pèse un cinquième de la richesse de l'Espagne, grâce à une activité dynamique qui comprend les services, l'industrie, la construction et l'agriculture.
Riche de son industrie automobile, chimique, énergétique ou métallurgique, la Catalogne est aussi la première destination touristique du pays. Le PIB par habitant catalan s'élève à 28 000 euros, soit plus que la moyenne européenne.
La Catalogne est riche, mais se sent spoliée et ne veut plus contribuer au budget commun. L'indépendance lui épargnerait de payer sa part de la dette publique espagnole, mais ce serait vite oublier son propre sauvetage opéré en 2012 par Madrid. A ce jour, la région catalane est l'une des plus endettées du pays, et ses dépenses risquent encore de flamber.
C'est, donc, tout un système économique de la Catalogne qui serait à repenser. Il faudra trouver de nouveaux marchés. Les banques craignent que la région soit exclue de l'Union européenne et de l'euro. L'accès aux crédits pour les entreprises et les particuliers pourrait devenir difficile, ainsi que le financement du jeune Etat sur les marchés.