De notre correspondant à Moscou,
Les accusations formulées par la Fondation de la lutte contre la corruption sont difficiles à résumer. Le film dure une quarantaine de minutes. Il s’intitule Tchaïka, du nom du procureur général russe, Iouri Tchaïka, mais aussi de ses fils, Artiom et Igor, sur lesquels l’organisation de Navalny a enquêté. Le premier, Artiom Tchaïka, se serait, selon cette enquête, enrichi par des moyens illégaux et avec l’appui de fonctionnaires placés sous l’autorité de son père. Au départ, les auteurs du documentaire se sont demandé comment l’homme d’affaires avait pu devenir propriétaire d’un hôtel somptueux en Grèce. Il partage la propriété de cet établissement de luxe avec l’ex-épouse de l’adjoint du procureur général.
Des liens avec des réseaux criminels
Des noms, dans ce film, il y en a beaucoup qui se croisent, beaucoup de ramifications également. Et différents lieux aussi. Selon les auteurs, Artiom Tchaïka aurait commencé ses affaires douteuses en Sibérie, à Irkoutsk, où il se serait emparé d’une entreprise maritime. L’ancien directeur s’est officiellement suicidé. Le film évoque aussi des comptes en Suisse où des sommes d’argent considérables auraient été blanchies. Le film fait même un lien entre ces hommes et un réseau criminel qui avait défrayé la chronique il y a quelques années.
L'affaire Tchaïka à découvrir sur internet
Les accusations ont été peu reprises par les médias, juste par quelques journaux de presse écrite. Pourtant, le film a suscité de l’intérêt sur internet, où il est en accès libre. En un mois, le film a été vu plus de quatre millions de fois. C’est considérable. Les affaires de corruption, les Russes y sont habitués et en parlent généralement avec résignation. Ils estiment souvent que leurs élites n’ont qu’un objectif : leur enrichissement personnel. D’ailleurs, 80% des personnes interrogées par le Centre Levada et ayant vu le film accordent du crédit aux accusations de Navalny. Pour eux, les faits reprochés sont une pratique courante en Russie.
Démenti du procureur Tchaïka
Lors de sa traditionnelle conférence annuelle, Vladimir Poutine a été interrogé à ce sujet et il n’a pas franchement répondu. Le procureur général, lui, a réagi dans une lettre publiée dans le journal Kommersant. Une enquête « infondée », répond-il. Il accuse le Britannique d’origine américaine Bill Browder, patron d’un fonds d’investissements, de l’avoir commanditée pour ternir l’image de la Russie. Bill Browder qui est très hostile au Kremlin et qui avait déjà formulé par le passé des accusations de corruption dans d’autres affaires. Y aura-t-il une enquête officielle ? Le journal RBK n’y croit pas. Selon lui, les autorités ne tiendront pas compte du scandale et tenteront plutôt de discréditer le Fonds qui a mené cette enquête.