Avec notre correspondante à Moscou, Muriel Pomponne
Nadia Savtchenko est jugée comme criminelle de droit commun. La Russie n’a pas reconnu le statut de prisonnier de guerre à cette officier de l'armée ukrainienne, car les victimes sont deux journalistes civils. La Russie ne lui a pas non plus accordé d'immunité parlementaire bien qu'elle soit députée ukrainienne et représentante de son pays à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Elle est donc présentée comme une accusée ordinaire.
Pourtant son procès n'est pas organisé dans un lieu anodin. La pilote est jugée au tribunal municipal de la petite ville de Donetsk, localité russe frontalière des zones séparatistes ukrainiennes et homonymes du Donbass. La ville, à deux heures de route d’un aéroport, est difficile d'accès. C’est donc un procès civil où tout est mis en oeuvre pour qu'il reste le plus secret possible.
La presse n'a pas pu entrer dans la salle d'audience. Elle a dû se contenter d'une retransmission sur un écran de télévision. De plus, il est interdit de voir le visage des trois juges. Malgré cette volonté manifeste de juger en silence, des représentants du consulat d'Ukraine étaient présents, et trois diplomates occidentaux étaient venus en observateurs.
« Les accusations ne tiennent pas debout »
La soeur de Nadia Savtchenko a également fait le voyage de Kiev pour assister au procès. Mais elle ne se fait aucune illusion. « Je n’attends rien de ce procès. Nous sommes ici pour veiller à ce qu’il ne lui arrive rien de fâcheux. Mais nous sommes en Russie. Il n’y a pas de loi qui tienne ! », explique-t-elle. Ses avocats partagent cet avis. « Nous avons démontré que les accusations ne tiennent pas debout. Mais l’issue de l’affaire ne se joue pas dans cette salle d’audience, mais au Kremlin », explique Me Nikolaï Polozov.
« C’est la guerre hybride entre la Russie et l’Ukraine qui se poursuit dans les tribunaux russes », estime le consul d’Ukraine, faisant référence au précédent procès contre le réalisateur ukrainien Oleg Sentsov. Dans la salle d’audience, devant un parterre de cosaques, venus occuper les lieux pour empêcher la presse de rentrer, Nadia Savtchenko a démontré calmement et en ukrainien l’absurdité des accusations des trois juges.