Grèce: élections législatives dans un climat économique morose

Les bureaux de vote ont ouvert ce dimanche 20 septembre en Grèce pour les élections législatives anticipées. Alexis Tsipras a remis son mandat en jeu après avoir dû conclure un nouvel accord avec les institutions européennes. Celui-ci fait la part belle à de nouvelles réductions dans les dépenses publiques, une augmentation de la fiscalité et des privatisations. Ces élections se déroulent donc dans un climat économique particulièrement morose. Le 3e plan d'aide européen, s'il met le pays à l'abri de la faillite, ne promet pas un avenir meilleur à court terme aux Grecs.

Article mis à jour avec nos journalistes sur place à Athènes

Faut-il maintenir Syriza au pouvoir ? Près de 10 millions de Grecs sont appelés aux urnes ce dimanche pour répondre à cette question. Par exemple dans le quartier populaire athénien de Kipseli, où le Premier ministre habite toujours et où notre envoyée spéciale Anastasia Becchio s'est rendue ce dimanche matin. Les électeurs ne se bousculent pas, relate-t-elle ; deux heures après l'ouverture, l'urne transparente contenait une petite quinzaine de bulletins de vote. C'est peu. Essentiellement des personnes âgées se sont déplacées dès le matin. Traditionnellement, ces personnes votent plutôt pour les deux grands partis traditionnels, Nouvelle Démocratie et Pasok socialiste.

« Je suis venue tôt pour ne pas croiser Tsipras, confie une dame âgée. Je lui en veux parce qu'il a baissé nos retraites. » Illustration d'un ressentiment qui est grand, au sein de la population. Il faut dire que les perspectives sont moroses : après une croissance inespérée au 2e trimestre, les économistes s'attendent à une rechute d'ici la fin de l'année en Grèce. En effet, l'entrée en vigueur du 3e plan d'aide européen s'accompagne d'une hausse des impôts, défavorable à la consommation, et d'une réduction des dépenses publiques. La Grèce devrait connaître une contraction de l'ordre de 2 % du PIB en 2015, après la récession continue de 2008 à 2013 qui a fait reculer la richesse nationale de 30 %.

Une situation économique qui lie les mains des futurs vainqueurs

Dans ce contexte économique complexe, la production industrielle continue de baisser. Les Grecs vont devoir encore resserrer les cordons de la bourse, car pour ceux qui ont un emploi, alors que les impôts se font plus lourds, les salaires baissent. Ils ont atteint leur plus bas niveau depuis 14 ans. Mais surtout, le chômage touche 25 % de la population active, c'est le record européen. Les moins de 25 ans sont particulièrement concernés : près d'un jeune sur deux est sans emploi. Et le nombre de chômeurs devrait progresser dans les prochains mois avec la fin de la saison touristique.

Avant les législatives, les derniers sondages publiés donnaient les conservateurs de Nouvelle Démocratie et le parti de gauche Syriza, du Premier ministre sortant, au coude-à-coude. Une éventuelle victoire de la droite inquiète certains employés de la fonction publique. Il y a deux ans, le gouvernement conservateur d'Antonis Samaras avait licencié près de 600 femmes de ménage du ministère des Finances. Au terme d'une lutte de 18 mois, elles avaient pu retrouver leur poste cet été, après l'arrivée de la gauche radicale au pouvoir. Mais à mesure qu'ont approché les élections anticipées, ces femmes de ménage sont redevenues la cible de critiques.

Pas de perspectives réjouissantes à court terme, mais des espoirs

L'incertitude qui entoure ce nouveau scrutin inquiète ces femmes de ménage, relate notre envoyée spéciale, qui a rencontré une certaine Yiorya à la sortie du ministère. Cette brune quinquagénaire aux cheveux courts avait été très médiatisée pendant le combat qu'elle a mené avec ses collègues. « De toute façon, dit-elle, depuis deux ans, on a compris qu'on pouvait être des cibles. Pendant la campagne électorale, certains sites internet ont commencé à diffuser des informations fausses, affirmant qu'on était payées 2 400 euros par mois. On connait ces méthodes, c'est pour créer un conflit. Mais ce n'est pas grave, on en a vu d'autres. »

Réintégrée cet été, Yiorya gagne en fait 700 euros par mois, pour huit heures de travail par jour. Elle continue d'accorder sa confiance à Alexis Tsipras, même s'il a accepté le troisième plan d'aide des créanciers. « Je crois toujours en notre Premier ministre, parce qu'il constitue l'espoir pour ce pays, il incarne l'espoir du changement. Il représente le renouveau. » « On est déçus de certaines choses, mais ça ne veut pas dire qu'on va arrêter de le soutenir », ajoute Yiorya, qui retournera travailler lundi au ministère des Finances avec l'espoir que d'ici là, la couleur du gouvernement n'aura pas changé.

Les électeurs grecs de gauche sont-ils découragés ?

Ces élections législatives anticipées sont le résultat de la démission du Premier ministre, lâché par une bonne partie de l'aile gauche de Syriza, déçue de le voir conclure un accord avec les créanciers en dépit de la victoire du « non » au référendum organisé cet été. La campagne s'est déroulée dans un climat de désenchantement politique, de lassitude. « Tsipras avait promis d'en finir avec l'austérité, mais il a finalement plié aux exigences des créanciers internationaux », confie, amer, un trentenaire qui avait voté pour Syriza en janvier et qui donnera cette fois-ci sa voix à Unité populaire, les frondeurs du parti.

Ioanna est une jeune Grecque qui vit en France, mais qui est rentrée à Athènes pour voter. « Il y avait beaucoup d'attentes par rapport au gouvernement précédent, qui malheureusement n'ont pas été respectées parce que le troisième mémorandum est quand même passé. Donc, les élections se font dans un climat de découragement, je pense, au moins de ceux qui sont de gauche, qui y ont cru », confie Ionna. « Il va y avoir probablement beaucoup d'abstentions, continue-t-elle, du fait de ce découragement et de ce pessimisme. Les gens ont l'impression que finalement, rien de différent n'est possible. »

La Grèce frappée d'une lourde désaffection du politique

Qu'est-ce que ces élections vont changer ? A la sortie des bureaux de vote, tout le monde répond : « Rien du tout », relate notre correspondante à Athènes, Charlotte Stiévenard. Quel que soit le parti qui arrivera en première position, il devra appliquer le mémorandum, avec en perspective, au moins deux ans d'austérité en vue. Pour la plupart des électeurs, ce ne sont donc pas eux, par leur vote, qui définissent la politique du pays, mais les Européens. Pour rappel, c'est la troisième fois en huit mois que les Grecs sont appelés aux urnes.

Il y avait encore beaucoup d'indécis ces derniers jours. Ce dimanche matin, outre quelques vieux électeurs penchant pour les partis traditionnels, notre correspondante a croisé des personnes assumant leur choix pour Aube dorée, qui disent voter pour les néo-nazis depuis des années. Il y a aussi des votes blancs, des déçus du système politique en général. Un homme croisé à Athènes dimanche matin par notre envoyée spéciale, après avoir donné sa voix à Syriza, résume finalement la situation en retournant les poches de son pantalon : « Elles sont vides et elles le resteront », dit-il.

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