Avec notre envoyée spéciale à Munich, Stefanie Schüler
Dans la gare centrale de Munich, le stand de premier accueil est installé juste à côté d’un ancien centre de voyageurs, une salle donnant sur les quais. Les réfugiés qui descendent des trains y reçoivent à manger et à boire, avant un bref examen médical. Ils sont ensuite conduits en bus dans les hébergements d’urgence. Dans l'intervalle, des scènes de fraternisation ; des sourires, d’un côté comme de l’autre de la barrière qui sépare les réfugiés des Munichois, et parfois aussi des conversations, certes courtes, mais qui représentent une première prise de contact entre Allemands et nouveaux arrivants.
« Je viens de Syrie », explique en anglais un jeune homme qui s’est arrêté spontanément devant la foule. « De quelle ville ? », veut savoir une dame âgée. « De Hama ! », répond-il. « Avez-vous été membre de l’armée de Bachar el-Assad ? », demande une autre Munichoise. « Non, j’étais en train de faire un master en informatique. Le régime m’a arrêté trois fois. Je n’avais pas d’autre choix que de quitter mon pays. » « Nous avons besoin de vous ici ! », assure la Bavaroise. « Vous ne pouvez pas imaginer notre émotion de vous voir tous ici. Nous nous sentons de nouveau humains », confie le jeune homme. Les Allemands sont émus, des larmes coulent. Et le jeune réfugié de reprendre en cherchant ses mots : « Vos larmes sont très très précieuses pour nous. »
4 000 citoyens volontaires
Près de 10 000 réfugiés sont encore arrivés samedi en Bavière. L'émotion est toujours à son comble, et actuellement, la situation est calme. Cependant, comme le disent les gens qui travaillent sur place, et qui sont là pour attendre les nouveux arrivants, c’est le calme avant la tempête. Jusqu’à 16 h, samedi, 7 219 réfugiés sont passés par la gare de Munich et 12 200 réfugiés au total sont arrivés à Munich en une journée. Depuis vendredi soir, la ville de Munich mobilise toutes ses ressources pour garantir que ce dimanche soir encore, personne ne soit obligé de dormir dehors.
Le principal problème de ce samedi était le manque de lit de camp. En soirée, il manquait entre 1 000 et 5 000 places. Les autorités et les bénévoles ont certes transformé de nouveaux lieux en hébergement d’urgence, mais comment y faire dormir les réfugiés ? Du coup, en fin de journée, la police munichoise a lancé un appel sur son compte Twitter : « Nous avons besoin de 800 tapis de sol et de couvertures ». Désormais, la ville manque également de moyens de transport. Samedi, des groupes de plusieurs centaines de réfugiés encadrés par les forces de l’ordre ont traversé une partie de Munich à pied pour rejoindre les centres de premier accueil.
La capitale bavaroise s’attend à accueillir encore des milliers de personnes
Dans ce dispositif d’urgence, un rôle primordial revient bien évidemment aux bénévoles. Leur porte-parole, Colin Turner, affirme qu’ils sont désormais 4 000 citoyens volontaires pour intervenir à chaque instant, suivant les besoins. Les bénévoles se sont d’ailleurs entendus avec la Ville. Dès que les autorités municipales font appel aux volontaires, ceux-ci s’engagent à répondre « présent » dans l’heure qui suit. Mais si la population munichoise n’a rien perdu de son élan de solidarité, il n’en va pas de même pour les autres Länder. Seule le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie a accepté, encore samedi, deux trains spéciaux en provenance de Munich.
Le maire de Munich, Dieter Reiter, ne cache plus sa colère. Ce samedi, les autres Länder ne lui ont signalé que 1 500 places disponibles en hébergement d’urgence à travers tout le territoire national. « C’est ridicule, s’est-il exclamé devant les journalistes en soirée, qu’ils viennent un peu ici à Munich pour voir ce que l'expression " être débordé " veut dire ! » Ce n’est pas la place qui manque, mais la préparation et la coopération entre certaines régions. Dans ce contexte, les voix se multiplient pour demander que le gouvernement fédéral prenne enfin les choses en main. Le Suddeutsche Zeitung, le grand quotidien national de Munich, conclut ce dimanche son éditorial avec ces mots : « Il y a quelques jours, Angela Merkel nous expliquait que la situation exigeait du courage. Il est grand temps qu’elle en face preuve elle-même. »
→ Écouter sur RFI : Kaan Günes, directeur d’un centre de réfugiés allemand, Européen de la semaine