[Reportage] Royaume-Uni: Ali, l’épicier afghan de Folkestone

Qu’est-ce qui attire les migrants qui franchissent le tunnel sous la Manche pour rejoindre l’Angleterre ? Ali Ahmadzai est un réfugié afghan. Il raconte son parcours.

Avec notre envoyé spécial à Folkestone, Pierre Pillet

Depuis des semaines, des centaines de migrants tentent de rallier l’Angleterre depuis Calais. Leur méthode est toujours la même : embarquer sur les ferrys qui assurent les liaisons maritimes ou les camions qui empruntent le tunnel sous la Manche. Ils arrivent ainsi dans le sud du pays, à Folkestone notamment.

Ali Ahmadzai a été l’un d’eux. Depuis deux ans, il dirige une épicerie dans le centre-ville de Folkestone. Assis derrière sa caisse, il sourit à chaque client. En 2008, le jeune homme n’aurait jamais imaginé ouvrir son magasin. Cette année-là, il quitte l’Afghanistan pour l’Angleterre. Un long périple afin de rejoindre son cousin. « Je suis parti parce que c’était le chaos dans mon pays. J’avais peur de mourir. On était quatre, on a traversé de nombreux pays, je ne me souviens plus lesquels. Je suis arrivé à Calais et je suis monté sur un camion qui a pris le ferry pour l’Angleterre. Mais avant de réussir, j’ai essayé de franchir la Manche trois-quatre fois par nuit pendant deux semaines, en camion, train, bateau et même à pied », raconte-t-il.

Une fois sur le sol anglais, il entame de longues procédures administratives. Avec une fin heureuse. « J’ai demandé l’asile. J’ai d’abord obtenu un visa en 2010 puis le statut de réfugié politique deux ans plus tard. C’est vraiment du hasard tellement vos interlocuteurs insistent pour savoir pourquoi vous venez dans leur pays », confie-t-il. Gêné, Ali dit se sentir privilégié. Surtout quand il allume sa télévision et qu’il entend parler de la crise des migrants à Calais.


 ■ Migrants: Londres évoque une menace pour «le mode de vie»

Avec notre correspondante à Londres, Marina Daras

Le discours anti-immigration de la classe politique britannique à propos des migrants de Calais se durcit un peu plus chaque jour. Dans une interview à la BBC, le chef de la diplomatie britannique, Philip Hammond, affirme vouloir renforcer les systèmes de sécurité aux frontières pour renvoyer dans leur pays d'origine ceux qui ne sont pas en droit de demander l'asile. « La différence entre le mode vie en Europe et en Afrique représente une motivation économique importante pour des millions d'Africains, souligne Philip Hammond. Et tant que les lois européennes resteront telles qu'elles sont, beaucoup d'entre eux continueront de penser qu'ils ne seront jamais renvoyés dans leur pays d'origine s'ils parviennent à entrer dans l'Union. »

« La situation n'est pas tenable, poursuit le ministre des Affaires étrangères, parce que l'Europe ne peut pas se prémunir et protéger son mode de vie et ses structures sociales si elle doit absorber des millions de migrants venus d'Afrique. » Selon lui, l'UE est incapable de faire face à une arrivée massive de demandeurs d'asile. Les migrants actuellement présents à Calais ne représenteraient pourtant qu'une fraction des 318 000 étrangers qui se sont installés au Royaume-Uni l'année dernière, mais le pays préfère renforcer ses frontières plutôt que de les ouvrir.

Partager :