Zone euro: Hollande pose dans le marbre ses convictions fédéralistes

Jacques Delors, ancien ministre français et président de la Commission européenne entre 1985 à 1994, va fêter lundi ses 90 ans. A la veille de cet anniversaire, le Journal du dimanche lui consacre un dossier complet. Et le président français a profité de l'occasion pour prendre la plume dans une tribune consacrée à l’Europe. François Hollande formule des propositions concrètes et ambitieuses, signant ainsi le retour des propositions politiques dans le débat sur la crise européenne.

Après deux semaines passées à œuvrer pour éviter un « Grexit », le président français se veut de nouveau à l'initiative ce dimanche sur un sujet lié à ce dossier et qui lui tient à cœur : l'avenir de la construction européenne et de la zone euro. Dans une tribune au JDD, François Hollande propose une « avant-garde » au sein de l'UE, par la création d'un gouvernement et d'un parlement spécifique pour la zone euro. Un retour de la méthode des petits pas, mais avec cette fois l'ambition de franchir une vraie marche vers l'intégration européenne, dans une vision fidèle aux idéaux de Jacques Delors.

L'ancien président de la Commission européenne fut longtemps, jusqu'au milieu des années 1990, le mentor de François Hollande. Et même s'il ne le voit plus, le chef de l'Etat français conserve, dit-on à l'Elysée, « affection et admiration » pour celui qui n'est autre d'ailleurs que le père de Martine Aubry, ancienne rivale du chef de l'Etat lors de la primaire de 2011. Quand le Journal du dimanche lui a proposé une tribune pour le 90e anniversaire de M. Delors, François Hollande a sauté sur l'occasion. « C'était le bon moment », explique un conseiller, compte tenu de la gravissime crise que vient d'affronter l'Union européenne.

Le retour du fédéralisme, mais pas pour l'ensemble de l'UE

« Le plus dangereux, aujourd'hui, ce serait de ne rien faire », plaide l'Elysée. Le président propose donc, dans le JDD, la création d'une « organisation renforcée d’un groupe de pays constituant une avant-garde » au sein de l'UE à 28. La France y est prête, écrit-il, « parce que comme Jacques Delors nous l’a montré, elle se grandit toujours quand elle est à l’initiative de l’Europe ». M. Hollande salue au passage la prévalence de « l’esprit européen », ainsi que la qualité et le rôle des relations franco-allemandes dans le contexte très tendu de cette semaine autour de la crise de la dette grecque. Mais il veut aller plus loin.

L’idée serait donc de doter la zone euro d’un gouvernement. Comprendre : des ministres, et un chef à leur tête. Cela n'a rien de nouveau ; ce dispositif, Jacques Delors le prônait déjà en 1989 alors que l'UE ne s'appelait pas encore l'UE, dans un rapport de la Commission européenne qui a fait date (texte disponible ici). Mais alors qu’à l’heure actuelle, les 19 pays membres de la zone euro sont réunis au sein de l’Eurogroupe mais n’ont aucun pouvoir particulier, François Hollande souhaiterait donc que ce gouvernement de l’euro soit doté « d’un budget spécifique, ainsi que d’un Parlement pour en assurer le contrôle démocratique », sans plus de précisions.

Un petit pas pour l'Europe, un bond de géant pour Hollande ?

Un gouvernement économique de la zone euro ? François Hollande lui-même avait déjà évoqué cette piste en 2013, avant de la remettre sur le tapis mardi dernier à l'oral, lors de la traditionnelle interview du 14 juillet. Mais dix ans après le « non » franco-hollandais au référendum pour un Traité constitutionnel européen en 2005, scrutin qui avait tant divisé les socialistes, l'idée de passer la vitesse supérieure dans l'intégration n'est pas sans risque. Compte tenu du paysage politique français d'aujourd'hui, on le reconnait à l'Elysée, un abandon de souveraineté s'avère « loin d'être consensuel ».

Qu'à cela ne tienne, François Hollande surfe sur la vague du dernier accord arraché à Bruxelles. Il « prend son risque », comme il aime à le dire. En proposant une « avant-garde » de l'euro, lui-même se veut finalement à l'avant-garde. L'Europe doit être « capable d’être une puissance au service de l’équilibre du monde », plaide François Hollande. « Partager une monnaie, écrit-il, c’est bien plus que vouloir une convergence. C’est un choix que 19 pays ont fait parce que c’était leur intérêt. » François Hollande entend ainsi pousser son avantage. Pour un jour, qui sait, entrer dans l'histoire.

Sur le site du JDD, Jacques Delors appelle à « refonder l'Union européenne »

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