Si le Premier ministre grec n’a que 40 ans, ce qui est considéré comme jeune dans l’arène politique du pays, il a démontré ces derniers jours, et notamment ce mercredi, qu’il était un fin tacticien et qu’il était en mesure de rassembler son camp politique, analyse notre envoyé spécial à Athènes Romain Lemaresquier. Mercredi après-midi, alors que la session plénière n’avait pas encore débuté, nombre de spécialistes de la politique grecque imaginaient une implosion totale de Syriza, le parti de gauche radicale d'Alexis Tsipras.
Et pourtant, dans la nuit de mercredi à jeudi, le Parlement grec a largement adopté le projet de loi réclamé par les créanciers. Sur 300 membres de la Vouli, 229 députés ont validé le texte, six se sont abstenus et 64 parlementaires, dont l'ancien ministre des Finances Yanis Varoufakis, le ministre de l'Energie Panagiotis Lafazanis et la présidente du Parlement Zoé Konstantopoulou, ont voté contre ces mesures, qui comprennent notamment des hausses de TVA et une réforme des retraites.
En somme, des défections ont eu lieu, mais pas d'implosion. Au total, sur 149 députés de Syriza, la formation de gauche radicale du Premier ministre, seuls 39 n'ont pas suivi la position du gouvernement dans ce vote sous haute tension, précédé d'une manifestation anti-austérité qui a donné lieu à des incidents dans le centre d'Athènes. Au lendemain du vote, la presse souligne pourtant de façon unanime les difficultés de la majorité, relate notre correspondante à Athènes Charlotte Stiévenard.
« Il faut un changement » dans le gouvernement
Le Quotidien des rédacteurs, plutôt à gauche, revient sur la volonté du gouvernement de continuer malgré l'absence de majorité. Il cite le Premier ministre grec, qui a déclaré que les gouvernements tombent seulement quand ils perdent le soutien de la société. Dans le discours qu'a prononcé Alexis Tsipras avant le vote, ce dernier a martelé qu’il assumait l’accord passé avec ses partenaires européens. Mais il a répété à maintes reprises que ce texte n’était pas pour autant un bon accord. Ce qui lui a permis d’être longuement applaudi par les députés de son parti.
Le titre conservateur I Kathimerini voit dans le résultat du vote une défaite. Il parle également d'un possible remaniement. Le chef du gouvernement a pu compter sur les voix de son partenaire de coalition, le parti de droite souverainiste ANEL, et sur celles de l'opposition. Des voix indispensables, selon Theodoros Fortsakis, du parti de droite Nouvelle Démocratie. « La loi est passée avec une large majorité, qui a réuni des députés de deux partis qui gouvernent et de trois partis de l’opposition. Ce qui est surprenant, c’est qu’il y a eu (des) votes qui ont été négatifs ou qui ont été blancs, appartenant à des députés de la majorité gouvernementale », s'étonne-t-il.
La démonstration est donc faite : Alexis Tsipras est un véritable animal politique. Il a réussi là où tout le monde pensait qu’il échouerait. Mais les défections dans le camp du Premier ministre sont un indicateur qu'il doit prendre en compte, selon Christina Takiaou, députée centriste de To Potami, qui a voté en faveur de ce projet de loi. « Il faut un changement. Mais c’est à M. Tsipras de décider ce changement, pas à l’opposition », estime-t-elle.
Réunion des ministres de l'Eurogroupe ce jeudi
Allons-nous vers un remaniement ? Le chef du gouvernement pourrait en effet se voir obligé d’écarter les ministres qui ne l’ont pas soutenu, même s'ils sont très minoritaires. Le prochain test politique aura lieu la semaine prochaine avec la présentation au Parlement d’un deuxième projet de loi, toujours dans le cadre de l’accord conclu à Bruxelles. Les défections dans le parti d'Alexis Tsipras pourraient être plus nombreuses à cette occasion.
En attendant, le vote rapide de mercredi permet au gouvernement grec de rassurer ses partenaires, deux jours après la décision de ces derniers d'accorder un troisième plan d'aide au pays. Désormais Alexis Tsipras va devoir négocier pour débloquer plus de 80 milliards d’euros afin de relancer l’économie de son pays, la restructurer et rembourser ses échéances auprès de la BCE et du FMI.
L'accord trouvé au sein de l'Eurogroupe lundi, déjà adopté par le Parlement français, doit encore être ratifié en Finlande et en Allemagne notamment, deux pays représentant la ligne la plus dure face à Athènes. La Grèce attend aussi d'être fixée jeudi sur une aide d'urgence des Européens afin de faire face à ses besoins immédiats, et sur le soutien que peuvent espérer ses banques de la part de la Banque centrale européenne. Ce jeudi, les ministres des Finances de la zone euro doivent discuter du versement d'une aide d'urgence. Un nouveau pas dans les négociations.