L'avenir de la Grèce joué au poker menteur jusqu'au 30 juin?

Le « poker grec » continue, alors que les deux parties en présence, à savoir le gouvernement d'Athènes et ses créanciers (FMI, BCE, Commission européenne), s'accusent mutuellement de faire obstacle à l'obtention d'un accord. Sans compromis entre les protagonistes, le plan d'aide à Athènes prendra peut-être fin le 30 juin prochain. Le Parlement grec ayant acté l'organisation d'un référendum la semaine prochaine au sujet des propositions de réformes qui se trouvent sur la table, le défaut de paiement reste une issue tout à fait crédible.

Réunis samedi à Bruxelles, les ministres des Finances de la zone euro n'ont pu que constater l'échec de quatre mois de négociations avec la Grèce. Pour eux, la décision d'organiser un référendum sur les contre-parties demandées par ses créanciers à la Grèce équivaut à une rupture des discussions, analyse notre correspondant à Bruxelles Pierre Benazet. Ils ont donc rompu eux-mêmes, d'autant que samedi soir, le Parlement grec a entériné le projet du Premier ministre Alexis Tsipras, qui souhaite organiser ce scrutin le 5 juillet prochain.

La question soumise aux suffrages serait en quelque sorte : pour ou contre les propositions de réformes des créanciers ? Lors de la séance parlementaire de samedi soir à Athènes - une séance houleuse -, une partie de l'opposition a elle-même pointé que soumettre une telle question au vote revenait en substance à demander aux Grecs s'ils souhaitaient rester dans la zone euro ou en sortir. De leur côté, les ministres des Finances de la zone euro n'ont pas envie d'attendre la réponse, puisqu'ils ont rejeté l'extension du plan d'aide à la Grèce demandée par cette dernière.

Ce programme d'aide expire mardi soir, le 30 juin. Concrètement, au-delà, nul ne sait si la Banque centrale européenne va continuer à alimenter les banques grecques en argent frais. La Grèce pourrait ainsi se retrouver incapable de rembourser ce qu'elle doit au FMI à la date butoir de ce même mardi 30 juin (1,6 milliard d'euros), avant le référendum. En annonçant ce scrutin, la Grèce avait demandé une prolongation de son plan d'aide actuel, afin de pouvoir tenir financièrement jusqu'au vote. Mais ses partenaires ont refusé car tout programme doit être suivi d'effets, plaident-ils.

Ils auraient pu accepter de prolonger le programme, mais seulement en échange de certaines conditions. Or, cette dernière proposition a elle-même été rejetée par Athènes. Vu de la zone euro, il y a donc un problème de crédibilité, et ce problème réside du côté grec. Et de son côté, voyant sa demande d'extension rejetée, le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis a quitté Bruxelles, continuant néanmoins de marteler que les négociations pouvaient reprendre d'ici mardi, pour qu'un accord acceptable puisse être présenté aux électeurs grecs lors du référendum.

Plusieurs pays dont la France souhaitent toujours que les négociations reprennent, mais cela semble peu probable. Après le départ de M. Varoufakis, ses homologues de l'Eurogroupe se sont à nouveau réunis à 18, sans lui, pour débattre de la stabilité future de la zone euro. Même si les membres de la zone euro affirment vouloir le maintien de la Grèce dans leurs rangs, il n'en reste pas moins que le pays court bel et bien au-devant du défaut de paiement. Car le FMI n'acceptera en aucun cas de reporter le remboursement attendu mardi.

Incertitude sur l'issue d'un référendum ou d'un défaut

L’issue du référendum annoncé par le gouvernement de Grèce n'est-elle pas incertaine pour le parti Syriza ? Le mouvement de gauche radicale, qui juge de manière très négative les réformes exigées par ses créanciers, a appelé à voter « non » à ces propositions en leur état actuel. Mais deux premiers sondages montrent pour l'instant que la majorité des Grecs est en faveur d'un accord. Celui de l'institut Alco, pour le journal Proto Thema, donne 57 % de « oui » au référendum. L'autre, de Kapa Research pour le quotidien To Vima, compte 47 % de « oui », contre 33 % contre les réformes proposées par les créanciers.

Si le « oui » l'emportait, ce serait une défaite cuisante pour le chef du gouvernement Alexis Tsipras. Mais si la Grèce en venait à faire défaut dès mardi, alors, la question qui se poserait serait : quelles conséquences ? Nous l'avons vu, les pays de la zone euro se préparent à un tel scénario. Mais ils ne semblent pas croire au risque de la contagion. Les partenaires de la Grèce semblent mieux préparés à cette éventualité qu'il y a sept ans.

Par la voix de son ministre des Finances, l'Allemagne promet qu'elle fera tout pour éviter la contagion. Et selon l'agence de notation Standard & Poor's, l'effacement de la dette grecque n'aurait pas de conséquences négatives sur la note souveraine de ses créanciers. L'ampleur de l'exposition n'est pas grande par rapport à la puissance économique de ces pays.

A titre d'exemple, lors de la crise de 2008, l'Allemagne a mis en place un fonds de 480 milliards d’euros pour sauver les banques allemandes. Des sommes nettement supérieures aux 195 milliards d'euros prêtés à la Grèce par ses partenaires.

En revanche, abandonner l'euro pourrait s'avérer dévastateur pour la Grèce, dont l'économie dépend des importations. Avec sa propre monnaie, l'économie grecque ne pourrait ainsi plus financer des achats essentiels comme l'énergie, les médicaments ou la nourriture. Si l’on en croit les files d’attente devant les distributeurs de billets et les stations-essence de la capitale, l’anxiété domine parmi la population du pays, comme le rapporte notre envoyée spéciale Aabla Jounaïdi.

→ Décryptage du professeur de sciences économiques François Morin


Voter « oui » au référendum ? Voter « non » ? Notre correspondante Charlotte Stiévenard a posé la question à quelques Athéniens. Ci-dessous, écouter leurs réponses.

 

Partager :