Le fabuleux «Conte des contes» de Matteo Garrone

C’est avec un film aussi féerique que surréaliste que le réalisateur italien Matteo Garrone entre ce jeudi 14 mai dans la première journée de compétition du Festival de Cannes 2015. « Tale of tales » (« Le Conte des contes ») réunit trois histoires issues des célèbres contes populaires italiens écrits par Giambattista Basile au XVIIe siècle et qui traitent des désirs et de la démesure des êtres humains.

« Toute naissance exige une vie. Chaque désir violent crée de la violence », prévient un sorcier habillé en noir qui se présente un soir au château auprès du roi et de la reine pour proposer une solution à leur désir d’enfant. La reine, dévorée par son envie d’une progéniture, est prête à mourir, mais c’est au roi de tuer un monstre marin et d’extraire le cœur pour le faire bouillir par une vierge. Ainsi naîtra, après une grossesse d’un jour, le prince, mais la pauvre servante vierge aussi accouchera d’un enfant…

Un voyage à travers de trois royaumes voisins

Avec une imagination folle et des images d’un paysage d’une beauté sidérante, Garrone nous fait voyager à travers de trois royaumes. Avec des châteaux érigés sur des montagnes et des vallées romanesques remplis de désirs et des faiblesses humains. Les histoires avancent dans une Italie moyenâgeuse où les saltimbanques et les fous du roi se disputent les faveurs de la cour.

Esclaves de leur égo, de l’éros et de la violence, la décadence des rois finit par former un tableau de mœurs édifiantes. Cela concerne aussi les trois générations de femmes croquées avec leur obsession de beauté, jeunesse, mariage et enfant. Le roi de Roccaforte (interprété par Vincent Cassel) est adepte d’orgies et ne manque aucune occasion pour réchauffer son cœur auprès de la gent féminine. Le roi d’Altomonte (Toby Jones) préfère observer des insectes bizarres plutôt que d’écouter les chansons de sa propre fille. Le troisième roi (John C. Reilly) cherche désespérément à rendre heureuse sa femme (Salma Hayek en reine de Selvascura) qui n’arrive pas à tomber enceinte.

Fantastique et délirant

Après la comédie Reality, présentée à Cannes en 2012, Garrone réussitmerveilleusement bien à créer un univers à la fois fantastique avec des ogres délirants, des animaux enchantés et des dragons, mais toujours suffisamment près de nos réalités pour nous émouvoir.

Dommage qu’il ait fait le choix de tourner en anglais pour toucher le plus grand public possible avec ces contes qui sont longtemps restés inconnus. Cela nous procure évidemment le plaisir de vibrer aux propos de Toby Jones, mais nous prive de la langue originale de ce recueil de contes qui a inspiré aussi bien Charles Perrault que les frères Grimm. Peu convaincant s’avère également le choix de Garrone d’entremêler ces trois contes pour en faire un seul en plus moderne. La logique et la puissance de chaque conte restent largement plus fortes que le montage du film ainsi que la musique quelque peu répétitive, composée par Alexandre Desplat.

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