«La Tête haute», pour aller où?

Ce n’est pas une production hollywoodienne ou un film « glamour » grand public, mais un drame social français situé à Dunkerque qui a fait mercredi 13 mai au soir l’ouverture du Festival de Cannes. Projeté hors compétition, « La Tête haute » d’Emmanuelle Bercot pèche par son trop-plein de bonté autour d’un jeune « délinquant », incarné avec beaucoup de talent par l’acteur novice Rod Paradot et accompagné par Catherine Deneuve qui y joue une juge d’enfant.

Plus que le film, c’est une petite phrase de Catherine Deneuve sur Dunkerque qui a mis les médias en ébullition. En allusion à son expérience lors du tournage de La Tête haute dans cette ville du Nord de la France, l’actrice avait parlé, dans une interview parue le 8 mai, d’une ville triste où « ce qui marche vraiment, ce sont les cigarettes et l’alcool ». Une sortie peu appréciée par le maire concerné qui avait répliqué en conseillant à la star du cinéma de monter les marches « la tête basse ».

Le destin d'un jeune « délinquant »

Une minipolémique qui semble être close depuis la projection du film sur la Croisette.
Dans La Tête haute, la réalisatrice Emmanuelle Bercot dit ses quatre vérités sur le destin d'un jeune « délinquant », campé par Rod Paradot, repéré à Stains, dans un lycée professionnel où il faisait un CAP de menuiserie. Aujourd’hui il crève l'écran. De l’âge de six mois à dix-huit ans, on suit le parcours éducatif chaotique de Malony, abandonné à 6 ans dans le bureau d’une juge pour enfants et qui sera dorénavant tiraillé entre une mère débordée et dépassée et le système judiciaire qui essaie de le mettre sur le bon chemin.

Hélas, tous les clichés y passent : le père absent, la mère qui traite son enfant plus comme un copain qu'un à fils à éduquer, les éducateurs qui se sacrifient corps et âme pour sauver cet enfant sans repères. L’autre rôle principal est incarné par une Catherine Deneuve certes convaincante, mais qui campe une juge des enfants qui donne presque l’impression d'une travailleuse sociale abusée qui veut aider au-delà du raisonnable ses « enfants » tombés dans la délinquance. Sans oublier l'amour entre deux marginaux qui essaient de surmonter ensemble la violence qu'ils ont subie.

La machine judiciaire, omniprésente et impuissante


Autre rôle principal : la machine judiciaire, omniprésente, mais impuissante. Elle offre mille possibilités mais aucune solution. Pour le reste, la France est montrée comme un pays exemplaire qui s’occupe merveilleusement bien de ses enfants difficiles. Mais trop de bonté tue les nuances. Même à la fin, on n'a pas le sentiment de vraiment connaître Malony au-delà de son manque d’amour criant et de ses sorties de route.

Et là où Xavier Dolan excellait dans Mommy à travers de séquences expérimentales et savamment désordonnées pour faire son portrait plein de folie d'un jeune garçon troublé, Emmanuelle Bercot reste dans un format de documentaire « augmenté » par des acteurs qui jouent souvent trop parfaitement leur personnage. Et là où Maïwenn débordait d'émotions dans Polisse avec son romantisme social autour de la vie quotidienne d’une brigade de protection des mineurs (BPM), La Tête haute tombe parfois dans les généralités.

Garder la tête haute

Quoi dire quand le garçon qui enchaîne les bêtises et des actes de plus en plus graves pour les autres est à chaque fois repêché par un système qui lui veut faire du bien. Et cela à un point que les « Arabes » et les « Blacks » qui apparaissent dans le film (la question d’immigration est expédiée avec une petite scène dans un centre éducatif fermé) se plaignent du traitement de faveur dont bénéficie ce petit Blanc. À une époque où des petits délinquants sortent de la prison pour devenir terroristes, Emmanuelle Bercot a fait le choix de garder La Tête haute et de montrer la bonne volonté du système éducatif et judiciaire.

 

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