De notre correspondant régional,
Le président serbe Tomislav Nikolic a annoncé, le mardi 7 avril, que son pays allait participer à la parade marquant le soixante-dixième anniversaire de la victoire de 1945. Les soldats serbes seront probablement les seuls, avec ceux de Biélorussie, à défiler sur la place Rouge de Moscou, aux côtés de l’armée russe. Cette décision a suscité de vives critiques, comme celle du député Edouard Kukan, qui préside la commission du Parlement européen en charge de la coopération avec la Serbie. Ce dernier estime qu’elle est «contraire à l’engagement de la Serbie dans la voie de l’intégration européenne ». Le chef de la délégation de la Commission européenne à Belgrade, Michal Davenport, tout en rappelant que la Russie avait violé le droit international en annexant la Crimée, est resté plus mesuré, en reconnaissant que la Serbie pouvait décider seule de sa participation à des manifestation. Des relations limitées de ce type. L’opposition serbe conteste également la décision du président, en estimant qu’elle risque de compromettre l’intégration européenne du pays, et beaucoup d’analystes pensent qu’avec de telles initiatives, Belgrade cherche à « tester » la détermination de Bruxelles.
Le double-jeu de Belgrade
Les dirigeants serbes répètent que l’intégration européenne constitue leur priorité stratégique, tout en cultivant ostensiblement de bonnes relations avec la Russie. La Serbie a toujours indiqué qu’il était hors de question pour elle d’adopter des sanctions contre la Russie, et les officiels de Belgrade assurent que le maintien de bonnes relations avec Moscou n’est pas incompatible avec l’engagement européen du pays. En tant que pays candidat, la Serbie n’est pas tenue d’aligner sa politique étrangère avec celle de l’Union et, par exemple, jamais l’adoption de sanctions contre la Russie n’a été posée comme une condition à la poursuite du processus d’intégration. En réalité, alors que l’opinion publique serbe demeure très russophile tout en se montrant de plus en plus réservée par rapport à la perspective européenne, Belgrade essaie de faire monter les enchères, en cultivant l’amitié de Moscou dans l’espoir d’inquiéter les Européens, alors que les portes de l’élargissement sont théoriquement fermées pour les cinq années à venir. Au sein même du gouvernement serbe, de fortes nuances se font sentir, le Premier ministre Vucic se montrant volontiers plus pro-occidental que le président Nikolic, mais peut-être ne s’agit que d’un simple partage des rôles.
Des relations Russie-Serbie limitées dans les faits
Les relations serbo-russes sont un domaine qui se prêtent particulièrement bien aux rumeurs et aux exagérations. En dehors de gestes symboliques, comme cette participation serbe à la parade militaire du 9 mai ou bien la visite de Vladimir Poutine à Belgrade, en octobre dernier, la réalité de ces relations demeure limitée. Sur le plan économique, l’influence russe se limite presque exclusivement au secteur de l’énergie, et l’abandon du projet de gazoduc South stream, annoncé par le président russe le 1er décembre dernier, a été un coup dur pour la Serbie. Malgré cela, Belgrade entend bien défendre sa neutralité militaire et pense pouvoir tirer son épingle du jeu dans le nouveau contexte de Guerre froide qui prévaut sur le continent européen.