« Un cheval de Troie. » Avec ses dernières propositions, le gouvernement grec donne l’impression de faire des concessions à l’égard de l’Eurogroupe, mais vu de Berlin, ces concessions sont trop floues, décrypte notre correspondant à Berlin Pascal Thibaut. Donner un blanc-seing à un tel texte pourrait ainsi, potentiellement, permettre à Athènes d'obtenir de l'argent frais tout en remettant en cause, à terme, les réformes menées jusqu’à présent.
D’où la réponse très sèche formulée jeudi à la mi-journée de jeudi par le ministère des Finances allemand : la demande de la Grèce ne représente pas « une solution substantielle ». Mais si cette position ferme a obtenu le soutien de parlementaires chrétiens-démocrates proches du ministre des Finances Wolfgang Schäuble, en revanche, le vice-chancelier social-démocrate et ministre de l’Economie Sigmar Gabriel a estimé que la proposition grecque constituait « une base de négociations ».
Du côté de l'opposition allemande, les écologistes et le parti de gauche Die Linke ont dénoncé l’intransigeance du gouvernement. Et le Premier ministre Alexis Tsipras, qui s’est entretenu jeudi soir avec Angela Merkel pendant 50 minutes, joue cette corde, se plaignant aussi de la position de Berlin, jugée trop dure. Le rendez-vous des ministres des Finances de la zone euro ce vendredi à Bruxelles a donc de fortes chances de se transformer en duel germano-grec, alors qu'Athènes s'apprête à voter une série de lois sociales pour desserrer l'étau de la rigueur dès ce vendredi.
Le Premier ministre grec se dit néanmoins confiant sur les chances de parvenir à un accord « historique » ce vendredi après-midi à Bruxelles. Il estime que « la Grèce a fait tout ce qui était possible » pour parvenir à un accord. Ce qui n'est évidemment ni l'avis d'Angela Merkel, pour qui il faut encore « améliorer les choses sur le fond », ni celui du gouvernement portugais, qui insiste sur le respect du programme.
Des concessions saluées par la France et la Commission
Dans sa lettre adressée à l'Eurogroupe jeudi, le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis semble tout de même faire quelques concessions réelles pour obtenir une extension de l'aide internationale. Athènes ne souhaite pas reprendre les mesures d'austérité qui accompagnaient les plans précédents, mais reconnait que cet accord « engage la Grèce », et accepte de coopérer étroitement avec les instances européennes et le FMI, acceptant leur « supervision » pour les six mois de prolongation de l'accord. Des concessions saluées par Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, et par Pierre Moscovici, le commissaire aux Affaires économiques.
Pour notre correspondant à Bruxelles, Pierre Benazet, il y a donc tout de même une chance que les négociations du jour réussissent. En fin de compte, Athènes répond aux exigences principales en acceptant la poursuite des contrôles, même si la demande prend soin d’omettre le mot honni de « Troïka ». De la même façon, la Grèce s’engage à honorer ses dettes et à ne pas prendre de mesures qui mettraient en danger les objectifs fiscaux, la reprise économique ou la stabilité financière.
Les débats risquent en grande partie de porter sur la question des garanties, puisque la Grèce veut faire disparaître des mesures jugées antisociales et que plusieurs, au sein de l’Eurogroupe, semblent enclins à se montrer flexibles. Si Athènes maintient 70 % des réformes demandées, les 30 % restants pourraient alors être remplacés par des mesures de compensation à la bonne convenance du gouvernement grec.
Pas sortie de la zone euro envisagée
Ce vendredi le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a exclu l'éventualité d'une sortie de la Grèce de la zone euro. A l'issue d'un déjeuner de travail à l'Elysée, ce vendredi, François Hollande et Angela Merkel ont adopté la même attitude. Le président français a déclaré : « Je ne connais pas de scénario aujourd'hui qui soit sur une sortie de la zone euro. » Quant à la chancelière allemande, elle a de nouveau affirmé attendre « des améliorations substantielles ».