Le marathon diplomatique engagé il y a quelques jours par Angela Merkel et François Hollande révèle la détérioration de la situation en Ukraine, mais les tractations qui s'opèrent laissent - peut-être - entrevoir la perspective d'un règlement du conflit.
Dimanche, le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier a estimé que les « deux ou trois prochains jours » seraient décisifs pour le succès de l'initiative franco-allemande. Avant de préciser le lendemain que la date de mercredi n'était pas encore figée pour la rencontre.
Côté russe, le chef de la diplomatie Sergueï Lavrov a affiché un relatif optimisme à Munich ce week-end, espérant que « des décisions importantes » seraient prises à Minsk. Dans cette configuration dite « de Normandie », Lavrov a souligné « l'initiative active » du président Poutine, alors que ce dernier excède un certain nombre de diplomates occidentaux.
Que sait-on des discussions en cours ?
Le président russe était dimanche à Sotchi avec son homologue biélorusse Alexandre Loukachenko. Il a précisé que le sommet de Minsk se tiendrait à condition de se mettre d'accord au préalable sur « un certain nombre de points ». On sait très peu sur le déroulement et sur le contenu des discussions. En revanche, les problèmes à résoudre sont bien connus.
Il s’agit de l’instauration d’un cessez-le-feu immédiat et d’une zone démilitarisée, du retrait des armes lourdes, du départ des forces russes (Kiev dénonce ce lundi l'arrivée pendant le week-end d'au moins 1 500 soldats russes supplémentaires sur le sol ukrainien), du contrôle de la frontière russo-ukrainienne, et d’un statut pour les zones qui se trouvent aux mains des séparatistes pro-russes. Le tout, en respectant le principe de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.
Pour Moscou, la cause des séparatiste est « juste »
Tous ces problèmes faisaient déjà l’objet de l’accord de Minsk, conclu en septembre 2014. Toutefois, ce dernier n’a pas été respecté. Manifestement, la partie russe est arrivée à la conclusion qu’il ne répondait pas suffisamment à ses intérêts. La Russie semble vouloir négocier des meilleures conditions, mais il n’est pas sûr qu’elle les obtienne.
Le plan négocié actuellement devrait être plus précis et contraignant, et les Européens cherchent à engager le Kremlin plus directement dans sa mise en œuvre. Les négociations sont présentées par les deux parties comme celles de dernière chance. Elles s'annoncent rudes. « Ils vivent sur leur terre, se battent pour leur terre (...), leur cause est juste », estime M. Lavrov au sujet des séparatistes.
■ Analyse sur le point de vue russe et l'absence remarquée des Américains à la table des négociations en cours
Sur RFI ce lundi, Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), évoque l'absence des Etats-Unis dans le ballet diplomatique en cours au sujet de l'Ukraine :
« Contrairement à ce que pensent les Russes, les Américains ne contrôlent pas tout, et il n'y a pas de complot américain. Il y a des intérêts américains, mais la période de la toute-puissance américaine est terminée. Et puis, cette affaire est une négociation européenne ; les Européens ont beaucoup plus d'intérêts historiques, économiques, stratégiques par rapport à la Russie que les Américains.
Je crois que c'est une bonne chose que les Allemands, les Français, soient au premier plan, parce que ce sont eux qui peuvent obtenir une solution et qu'ils peuvent vraiment faire un pont entre l'Ukraine et la Russie. Ils peuvent avoir la confiance de l'un et de l'autre, alors que les Américains ont la confiance des Ukrainiens mais qu'ils n'ont pas la confiance des Russes. »
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«Je pense que dans l'affaire, il faut distinguer la position américaine de la position de l'Otan. L'Alliance atlantique, comme structure, a une position beaucoup plus dure, parce que c'est finalement une façon de justifier son existence 25 ans après la chute du mur de Berlin. Les Etats-Unis, en tant que tels, ont moins intérêt à cela, et on voit bien que Obama, par rapport aux critiques qui lui sont adressées de la part des républicains, durcit un peu le ton mais qu'il a peur d'être pris dans un engrenage dont il sait par expérience qu'on ne peut pas le maitriser une fois qu'on est dedans. »
Si en façade, les Russes se montrent optimistes, ils n’hésitent pas à parler de « guerre larvée ». Mais selon Pascal Boniface, la Russie n’a aucun intérêt à ce que ce conflit continue :
« Depuis déjà assez longtemps, il y a un double discours du côté russe, c'est un peu " le régime de la douche écossaise ", qui souffle à la fois le chaud et le froid de façon permanente, appelant au dialogue, et en même temps multipliant les déclarations beaucoup plus musclées. Mais la Russie n'a pas intérêt à ce que le conflit perdure voire dégénère.
Les Russes ont plutôt intérêt à ce que l'on trouve une solution, mais bien sûr une solution qui leur convienne, qui ne leur soit pas défavorable. Donc, le cessez-le-feu pourra être envisagé s'il y a un accord sur le statut de l'Ukraine. La " ligne rouge " pour la Russie, c'est d'avoir la certitude que l'Ukraine ne puisse pas rentrer dans l'Otan, qu'il n'y ait pas de nouvel élargissement à l'Ukraine, et aussi d'obtenir des garanties sur une fédéralisation de l'Ukraine à long terme. »