Vladimir Poutine à Belgrade: le grand écart serbe

C’est la plus grande parade militaire organisée à Belgrade depuis trente ans. La Serbie a sorti le grand jeu pour accueillir le président russe, Vladimir Poutine à l’occasion du 70e anniversaire de la libération de Belgrade. Ces commémorations suscitent de nombreuses polémiques, notamment concernant leur coût, mais également du côté des Occidentaux qui estiment que Belgrade envoie un « mauvais signal » en recevant ainsi le président russe.

Depuis plusieurs jours déjà, Belgrade est en état de siège. Boulevards bloqués, manœuvres de blindés aux abords du palais gouvernemental, survol de la ville par des avions : l’armée répétait avec soin le défilé militaire, qui se déroule ce 16 octobre à 15 h 30. Ce matin, beaucoup d’écoles sont fermées, et la circulation est bloquée dans la moitié de la ville. C’est la troisième fois que Vladimir Poutine se rend à Belgrade, mais il n’avait jamais encore été reçu avec tant de faste. Les mesures de sécurité ont d’ailleurs été renforcées après les incidents qui sont intervenus mardi soir lors du match Serbie-Albanie.

Le « mauvais signal » de Belgrade, selon les Occidentaux

Ces commémorations suscitent aussi de nombreuses polémiques. Si les milieux nationalistes saluent la « grande Russie », protectrice naturelle de la « petite Serbie », et exaltent l’image d’un Poutine défiant l’Occident en Ukraine, l’opposition critique le coût des cérémonies, dans un pays à la situation économique calamiteuse. Beaucoup d’historiens ou d’anciens combattants s’étonnent aussi du changement de date : Belgrade a été libéré par les partisans yougoslaves le 20 octobre 1944, pas le 16, et le choix d’avancer ainsi le jour des commémorations doit tout à l’agenda chargé du président russe. Les critiques les plus vives viennent toutefois des cercles diplomatiques occidentaux, qui estiment que Belgrade envoie un « mauvais signal », en recevant ainsi le président russe.

La Serbie a le statut officiel de pays candidat à l’intégration européenne et elle a même ouvert ses négociations d’adhésion en juin 2013. Le dernier rapport d’étape de la Commission européenne, rendu publique la semaine dernière, était plus élogieux à l’égard de la Serbie, qui met en œuvre les réformes exigées par Bruxelles, mais la Serbie continue dans le même temps à cultiver l’amitié russe et, par exemple, refuse catégoriquement d’appliquer les sanctions décidées par l’UE en raison de la crise ukrainienne. Le week-end dernier, le président Tomislav Nikolic s’est exclamé que ceux qui voudraient forcer son pays à appliquer ces sanctions « connaissaient bien mal les Serbes ».

Le grand écart serbe

Moscou est un allié stratégique important de Belgrade, notamment sur la question du Kosovo, et les investissements russes pèsent de plus en plus lourd dans l’économie du pays, surtout dans le secteur énergétique. Le géant russe Gazprom a pris en 2008 le contrôle de NIS, l’entreprise pétrolière serbe, et Belgrade n’entend pas renoncer à la construction du gazoduc South Stream, malgré les pressions européennes. En réalité, la Serbie, qui affirme sa volonté de rejoindre « au plus vite » l’Union européenne, pratique depuis des mois le grand écart. Ces incessants louvoiements de la diplomatie serbe inquiète d’autant plus les Occidentaux que Belgrade doit prendre le 1er janvier prochain la présidence annuelle tournante de l’OSCE.

 

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