Avec notre correspondante à Londres, Muriel Delcroix
Les poids lourds de Westminster ont décidé de prendre les Ecossais par les sentiments. En amont de sa visite, David Cameron écrit d’ailleurs ce matin dans le Daily Mail : « Nous voulons désespérément que vous restiez, nous ne voulons pas que cette famille de nations se déchire. » Et le Premier ministre met en garde contre un « saut dans l’inconnu » en cas de victoire du « oui ».
Cette déclaration d’amour s’accompagne de la promesse d’une nouvelle loi accordant plus de pouvoirs au Parlement écossais concernant l’emprunt, les impôts, les dépenses ou encore les avantages sociaux. Et pour mieux montrer leur attachement à leurs voisins, il a été décidé de faire flotter le Saltire, le drapeau écossais, un peu partout dans le Royaume-Uni et en particulier au 10 Downing Street, la résidence du Premier ministre, jusqu’au référendum.
La situation est devenue inquiétante chez les partisans de l'unité lorsque le sondage de dimanche dernier a donné pour la première fois les indépendantistes vainqueurs. Pour Karen Wright, professeur de sciences politiques à l'université de Glasgow, les dirigeants nationaux ont mal apprécié la situation : « Ils ont sans doute sous-estimé la force de l’attachement à certains idéaux et à l’Ecosse en tant qu’entité. Et je crois qu’on peut dire que beaucoup de gens ont été rebutés par l’approche des opposants à l’indépendance, une approche considérée comme négative et un peu condescendante. Plus qu’un peu en fait. »
Une visite risquée
Nombreux sont les Ecossais à voir dans cette visite du Premier ministre et de deux hauts responsables politiques, une manœuvre politicienne. Une manœuvre inutile, d'ailleurs, pour cet Ecossais interrogé dans les rues d’Edimbourg : « Je ne pense pas que la visite contribue à renforcer les partisans du maintien de l’union. C’est justement contre les hommes politiques de Westminster et ce style de politique que les gens vont voter en faveur de l’indépendance. Ils veulent voir un vrai changement. Ces politiciens ne représentent pas le changement mais le statu quo. Donc leur visite ne va pas modifier grand chose à part peut-être pousser les gens encore plus vers le "oui" à l’indépendance. »
Cette visite est un pari risqué en effet : David Cameron sait qu’il n’est pas le bienvenu en Ecosse où les conservateurs sont cordialement détestés. Quant au dirigeant travailliste Ed Miliband, bien que son parti soit majoritaire là-bas, sa cote de popularité personnelle ne pourrait pas être plus basse. C’est pour cela que les dirigeants s’étaient faits plus discrets jusque-là.
Mais là il y a urgence car ils ont chacun beaucoup à perdre. Certains estiment que si le « oui » l’emporte, David Cameron n’aura pas d’autres choix que de démissionner. Il restera aussi dans l’Histoire comme celui qui a laissé disparaître l’Union. Le leader travailliste, lui, perdrait une base électorale vitale pour sa survie à Westminster, tout comme les libéraux démocrates.
Les indépendantistes le savent parfaitement et leur champion, Alex Salmond, parle de « panique totale » et espère bien que cette visite se retournera contre eux. Le leader écossais tourne en dérision leur plan de la dernière heure qui, deux ans après l’annonce du référendum, n’offre rien de plus et révèle surtout que le camp adverse est en train de perdre pied.