Avec notre correspondant à Londres, Eric Albert
L’article qui pose problème aux Russes est une interview audio d’un certain Artem Loskoutov publiée sur le site en langue russe de la BBC le 31 juillet. Artem Loskoutov est un jeune artiste russe, un activiste politique, qui appelle à une « marche pour la fédéralisation de la Sibérie ». Il demande à ce que la Sibérie ait plus d’autonomie vis-à-vis de Moscou. En fait, il s’agit en partie d’un appel ironique, la Sibérie n’étant pas exactement réputée pour être le paradis sur terre. D’ailleurs, l’interview était diffusée dans le cadre d’une émission culturelle de la BBC. Ce n’était pas du tout considéré comme un scoop politique explosif.
Moscou n’a pas apprécié l’initiative
Pour les autorités russes, cet appel à manifester pour plus d’autonomie risque de mettre en mal l’unité de la Russie. Et pour un pays aussi grand et diverse, c’est un sujet très sensible. Du coup, les autorités russes ont bloqué l’accès à cet article. Et elles ont envoyé une lettre officielle à la BBC, menaçant de bloquer l’intégralité de son site en langue russe.
La BBC a répliqué, en disant qu’il n’était pas question de retirer l’interview. C’est un entretien qu’elle juge parfaitement valide, respectant sa charte éditoriale.
Tensions grandissantes entre Londres et Moscou
Londres et Moscou n’ont jamais été des alliés très proches. Pendant la Guerre froide, le Royaume uni était bien sûr l’un des pays qui luttait le plus fortement contre le communisme. David Cameron a essayé de réchauffer les relations, évitant longtemps de critiquer trop ouvertement Vladimir Poutine, d’autant que de nombreux oligarques utilisent Londres et la City comme base arrière.
Mais depuis quelques semaines, suite aux troubles en Ukraine, et à l’affaire de l’avion de la Malaysian Airline abattu, David Cameron a finalement choisi de se montrer très sévère contre la Russie. Il a été à la tête des pays européens qui ont poussé pour imposer des sanctions, et tant pis si ça en coûte à la City. Et il estime aussi que l’OTAN doit désormais revoir son positionnement face à la Russie. Il suggère de nouveaux exercices militaires de l’OTAN dans l’est de l’Europe et un renforcement de sa présence militaire dans la région.
Enfin, dernier élément, il vient d’autoriser l’ouverture d’une enquête publique sur la mort d’Alexander Litvinenko. Cet ancien espion russe avait été assassiné à Londres en 2006 d’une dose de polonium radioactif, et l’ouverture de l’enquête signifie que le juge va avoir accès à certains documents des services secrets britanniques, qui pourraient apporter des révélations embarrassantes pour Moscou. Bref, entre la Russie et le Royaume-Uni, les tensions sont désormais très vives.