L’heure était pourtant à l’apaisement, ce mardi 24 juin. Vladimir Poutine a non seulement apporté son soutien au plan de paix et souhaité la prolongation du cessez-le-feu de Petro Porochenko au-delà du 27 juin, mais il a aussi fait lever l’autorisation parlementaire, sollicitée en mars dernier, d’une éventuelle intervention militaire en Ukraine. Cette décision prise « dans le but de normaliser la situation », selon le porte-parole du Kremlin. Elle a été favorablement accueillie par Kiev. Le président ukrainien a même alors évoqué « un premier pas concret vers un règlement de la situation dans l’est du pays ». En outre l'acceptation du cessez-le-feu lundi par le chef des insurgés de Donetsk Olexandr Borodaï ouvrait la voie à des négociations directes avec Kiev, qui au départ refusait de parler avec ceux qui « ont du sang sur les mains ».
Des résultats concrets sur le terrain ?
Les alliés occidentaux de l'Ukraine se sont également naturellement félicité des déclarations de la Russie ce mardi, tout en exigeant qu'elles soient suivies de résultats concrets sur le terrain. Une position partagée par certains observateurs, plus circonspects, qui estiment que le geste d’apaisement de Vladimir Poutine ne peut pas être suivi d’effets tant que la Russie continue à aider en sous-main la rébellion. « D’un point de vue stratégique, la Russie n’a pas besoin de la paix, analyse ainsi Vladimir Kipen, directeur de l’Institut de recherche social et d’analyse politique à Donetsk. Elle a besoin d’avoir une région constamment déstabilisée, ce qui lui donne la possibilité d’exercer une pression sur le pouvoir ukrainien. C’est pourquoi je ne m’attends pas à des pas décisifs de sa part qui permettraient de normaliser la situation en Ukraine. »
De fait, la tension s'est accentuée dans la région, et le président Porochenko estime que le cessez-le-feu est constamment violé. Depuis vendredi soir, selon lui, les forces gouvernementales auraient été attaquées 35 fois. Mais pour les séparatistes, ce sont des tirs de l’armée ukrainienne dans plusieurs villes de l’Est, qui les auraient obligés à riposter, en abattant notamment un hélicoptère en fin de journée mardi. Le chef de Donetsk exige désormais le départ des troupes gouvernementales avant toute discussion.
« Des bandes criminelles »
Selon Vladimir Kipen, la fermeture de la frontière russe de manière à ne pas laisser s’infiltrer des colonnes de terroristes, de matériel militaire et d’armes n’est donc pas d’actualité. « Je ne m’attends pas non plus à ce [que la Russie] délivre des signaux clairs aux groupes de combattants qui sont sous son influence, pour qu’ils lèvent le camp, estime le chercheur. » Selon lui, le danger vient surtout de la présence de groupes armés toujours présents en masse sur le territoire russe. « Une importante quantité de mercenaires et de matériel militaire est concentrée sur le territoire russe, estime-t-il. Plusieurs signaux indiquent qu’ils se tiennent prêts à faire une nouvelle percée à travers la frontière pour venir en aide aux insurgés qui sont assiégés à Sloviansk, à Kramatorsk, sur le territoire de la région de Lougansk, et contre lesquels l’armée ukrainienne mène des opérations. »
Tous les groupes qui combattent sous la bannière séparatiste ne sont d’ailleurs pas sur la même ligne, poursuit Vladimir Kipen. Un bon nombre de ces groupes sont d’ailleurs selon lui incontrôlables : « ce sont des bandes criminelles, qui prennent la lutte séparatiste comme un prétexte pour simplement piller la population. C’est un public qui n’est absolument pas intéressé par un quelconque cessez-le-feu ou par un processus de paix. »
Petro Porochenko a annoncé qu'il souhaitait s'entretenir ce mercredi avec le président Vladimir Poutine, la chancelière Angela Merkel et le président François Hollande lors d'une conférence téléphonique.
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Le choix de Poutine. Ce mercredi, le Conseil de la Fédération, la Chambre haute du Parlement russe a donc levé l'autorisation d'intervenir militairement en Ukraine, après la demande effectuée par le président russe Vladimir Poutine, même si un membre du Conseil a déclaré qu'il se tenait prêt à rétablir cette autorisation si nécessaire. La décision de Poutine avait été annoncée au lendemain d'une conversation téléphonique entre le président russe et son homologue américain Barack Obama, qui aurait brandi la menace de nouvelles sanctions. Mais pour Philippe Migault directeur de recherche à l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), cette menace n'est pour rien dans le choix de Vladimir Poutine.