Poutine en «imperator» à Sébastopol, des morts à Marioupol

La Russie célébrait ce 9 mai le 69e anniversaire de la victoire alliée sur l'Allemagne nazie. Après les défilés sur la Place Rouge, le président Vladimir Poutine a rejoint le port de Sébastopol. Au même moment, dans l'est de l'Ukraine, des violences meurtrières ont éclaté à Marioupol, un port de 500 000 habitants situé à moins de 70 kilomètres de la frontière russe. Plus de 20 personnes sont mortes.

A Moscou, Vladimir Poutine a assisté au traditionnel défilé militaire sur la Place Rouge : 11 000 hommes, des dizaines de blindés et de lance missiles, un défilé aérien... Cette parade militaire avait un goût particulier dans le contexte ukrainien.

Puis le chef du Kremlin s'est aussitôt rendu à Sébastopol. Vladimir Poutine a passé en revue les navires de la Flotte de la mer Noire, déclarant que le rattachement de péninsule à la Russie rétablissait la « vérité historique ». Une visite regrettable pour Paris et Berlin, vécue comme une provocation à Kiev. Washington estime de son côté qu'elle ne fait qu’exacerber les tensions.

Dans ce petit port historique de la mer Noire, la courte présence de Vladimir Poutine a suscité l'enthousiasme de la foule, a pu constater notre envoyée spéciale Muriel Pomponne. Face au public venu très nombreux pour assister aux festivités, le président a affirmé que la Crimée était « une part de la Russie ». « Nous sommes ensemble, nous ne faisons qu'un. Ensemble, nous surmonterons nos difficultés », a-t-il déclaré dans un discours interrompu par des « mercis !» de la foule. Un discours très consensuel au cours duquel il a rendu hommage aux anciens combattants qui ont libéré cette terre du fascisme, il y a 70 ans.

Peu avant, alors qu'il participait à la parade navale, il avait affirmé qu'en demandant le rattachement à la Russie, les peuples de Crimée avait proclamé la vérité historique et la fidélité à la mémoire des ancêtres.

La présence du président russe a été le point d'orgue de cette journée de commémoration. Une journée festive, très populaire, qui a commencé avec le défilé des anciens combattants, des différentes unités militaires mais aussi des associations. Les parades aériennes et navales ont surtout permis à la Russie d'exposer, ici aussi en Crimée, sa puissance militaire.

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Fêtes tragiques à Marioupol

Pendant ce temps,en Ukraine, dans la ville portuaire de Marioupol, de violents affrontements ont éclaté autour du siège de la police, selon les informations rapportées par notre envoyé spécial à Donetsk, Daniel Vallot. Des versions contradictoires circulent sur le déroulement exact des événements. Les vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux montrent des fusillades nourries à l'arme automatique. Selon les informations communiquées par le ministère de l'Intérieur ukrainien, un groupe d'une soixantaine d'hommes armés pro-russes ont tenté de prendre par la force le siège de la police. Une violente bataille s'est alors engagée pendant près de deux heures, lorsque des renforts de l'armée sont arrivés sur place. Des témoins parlent de plusieurs blindés qui ont tiré, le bâtiment de la police a pris feu, des pompiers tentaient de l'éteindre après les combats. Mais d'autres versions affirment que ce sont les forces ukrainiennes qui auraient tenté de s'emparer du bâtiment pour en déloger les séparatistes.

Une seule certitude : les combats ont été très violents, avec un nombre important de victimes dans les rangs séparatistes, au moins 20 morts selon Kiev, qui fait également état d'un mort chez les forces de l'ordre. Il s'agit des affrontements, les plus violents à Marioupol depuis que la mairie de la ville a été prise en début de semaine par les insurgés pro-russes. Ils en avaient été délogés par une opération conjointe de l'armée et des forces de sécurité, puis avaient réoccupé le bâtiment mercredi, arborant les drapeaux russes et de la République populaire autoproclamée de Donetsk.

Accalmie à Donetsk avant le référendum

A Donetsk (environ 100 km au nord de Marioupol), il n'y a pas eu d'incidents majeurs. Les célébrations du 9 mai se sont déroulées dans le calme, avec un rassemblement de plus d'un millier de militants pro-russes sur la principale place de la ville.

Les militants continuent de préparer activement le référendum de dimanche sur l'auto-détermination de la région de Donetsk et affirment vouloir organiser ce vote malgré les violences. La responsabilité des troubles est ici entièrement attribuée aux autorités ukrainiennes, accusées par les séparatistes de vouloir provoquer le maximum de troubles afin d'empêcher le bon déroulement d'un scrutin, déclaré illégal par le pouvoir central.

Il est évident que ce contexte de tensions, cette militarisation de la crise dans l’Est de l’Ukraine va avoir un impact très important sur le déroulement du vote. D’abord les électeurs pourraient hésiter à se déplacer par crainte de ces violences ; ensuite, il va falloir assurer la sécurité du scrutin devant les bureaux de vote. Les pro-Russes affirment qu’ils vont pouvoir compter sur la police, mais qu’ils vont aussi devoir déployer des miliciens - des hommes en armes - qui affichent ouvertement leur position sur l’issue du vote et qui vont forcément entacher la neutralité du scrutin.

Il sera difficile de continuer à affirmer qu’un vote est régulier et transparent lorsque des miliciens en armes affirment clairement leur position politique à l’intérieur du bureau de vote.

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