Ukraine: les séparatistes s'affranchissent de Moscou

A Donetsk, les séparatistes refusent de reporter le référendum d'autodétermination prévu dimanche 11 mai. La vaste offensive militaire orchestrée par Kiev dans l'est du pays n'a non seulement pas eu le succès escompté, mais a en outre renforcé la volonté des partisans du séparatisme. En persistant, les pro-Russes opposent une fin de non recevoir au président Vladimir Poutine, qui avait demandé un report du scrutin.

Le premier argument avancé pour justifier cette décision de maintenir le référendum, c'est en réalité le même depuis le début : les dirigeants auto-proclamés de cette République de Donetsk affirment qu'ils représentent le peuple, et qu'ils ne font que se plier à la volonté du peuple. Vladimir Poutine a le droit de nous donner des conseils, disent ces dirigeants en substance, et nous l'en remercions, mais nous ne pouvons nous dérober à notre devoir d'appliquer cette volonté populaire, d'aller au référendum et d'y aller dimanche prochain.

Ménager le Kremlin

Pour les dirigeants séparatistes, les actions violentes de ces derniers jours n'ont fait que renforcer la volonté de leurs partisans d'organiser ce référendum. Ils ont donc en quelque sorte le raisonnement inverse du président russe : retarder le référendum n'aurait pas pour effet d'apaiser les tensions. Bien au contraire, cela ne ferait qu'encourager les autorités ukrainiennes à les réprimer.

Il est vrai que cet argument-là, les autorités ukrainiennes l'ont servi sur un plateau aux dirigeants séparatistes, en affirmant d'emblée après les déclarations hier de Vladimir Poutine qu'un report du référendum ne changerait rien à la situation, et qu'elles poursuivraient quoi qu'il arrive leurs opérations militaire dans l'est du pays...

Les dirigeants séparatistes ont « remercié » le président russe, et tenté de le ménager pour ses conseils. La crainte chez les séparatiste ukrainiens de perdre le soutien de Vladimir Poutine est une question cruciale puisque la Russie est le principal allié du mouvement séparatiste face à l'Ukraine et aux Occidentaux.

Un jeu de dupes ?

Officiellement, les séparatistes disent ne compter que sur eux-mêmes, c'est l'une des phrases que l'on entend d'ailleurs le plus souvent dans le camp pro-russe. Mais il est certain que la perte du soutien de Vladimir Poutine serait un coup très dur, et la certitude que le scénario impeccable qui s'est déroulé en Crimée et qui leur sert de modèle pourrait être condamné à dérailler.

Cela dit, ce qui peut apparaître à première vue comme un camouflet infligé au président russe, peut en réalité servir les intérêts de Vladimir Poutine qui lui aussi depuis le début dément toute implication directe dans la crise actuelle. Dorénavant, le président russe aura beau jeu de dire : « Vous voyez bien que je n'y suis pour rien dans toute cette affaire, puisque ceux qu'on présente comme mes marionnettes rejettent mes conseils. » On est peut-être depuis hier dans un jeu de dupes, et de miroirs, où d'un côté comme de l'autre, il n'y a jamais eu la volonté de repousser quoi que ce soit.

Quelles conditions matérielles pour le vote?

Les leaders séparatistes de Donetsk et de Lougansk vont donc aller de l'avant et organiser ce référendum. Il reste trois jours d'ici au scrutin, les séparatistes affirment qu'ils sont en mesure d'organiser ce vote. Ils indiquent avoir imprimé trois millions de bulletins, que ces bulletins sont en train d'être acheminés dans les différentes villes de la région, que des assesseurs ont été désignés, que les gens iront voter dans leurs bureaux de vote habituels... Bref, que tout sera prêt, et que tout sera à la hauteur d'un scrutin transparent.

En réalité, on imagine assez mal que ce scrutin puisse se dérouler dans des conditions normales. D'abord en raison des combats qui persistent dans certaines zones. Ensuite et surtout parce qu'à la différence de ce qui s'était passé en Crimée, les séparatistes à Donetsk n'ont pas réussi à s'assurer du soutien total de l'administration locale, et qu'ils vont donc sans doute avoir beaucoup de difficultés en ce qui concerne les listes électorales et l'organisation matérielle du vote.

Toutes ces critiques, les séparatistes les balaient d'un revers de main, en affirmant que le gouvernement ukrainien a l'intention d'organiser une élection présidentielle alors qu'une partie du pays est à feu et à sang, et qu'il n'y a donc aucune raison qu'eux-mêmes se privent de faire la même chose.

Les partisans de l'unité ukrainienne invisibles

Enfin, la population semble partagée quant à la tenue de ce référendum. Un premier camp s'exprime ouvertement, c'est le camp pro-russe. Il soutient à 100% l'organisation du scrutin.

Les autres, pro-Kiev entre autres, s'inquiètent bien sûr de voir la région basculer dans une crise interminable. Le problème, c'est que ceux-là sont inaudibles : les pro-Kiev ne militent plus ouvertement par crainte des représailles, et ils évitent de prendre la parole en public. Il est donc très difficile dorénavant de mesurer le rapport de force réel entre les deux camps.

Condamnation française

De son côté, la France condamne, ce vendredi 9 mai, le maintien de « référendums illégaux » organisés par les séparatistes pro-russes. Paris appelle même les Ukrainiens au « dialogue » ; « dans ce moment crucial, indique encore le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, il importe que toutes les parties fassent preuve de retenue ».    

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