Avec nos envoyés spéciaux en Ukraine, Bertrand Haeckler et Daniel Vallot
Papiers militaires à la main, Viktor patiente devant la tente qui sert de centre de recrutement pour la milice pro-russe. Ce qui l’a décidé à franchir le pas, c’est l’offensive de l’armée à Sloviansk. Mais surtout, dit-il, l’incendie d’Odessa, qu’il attribue aux autorités ukrainiennes : « J’ai un boulot, mais j’ai décidé de tout plaquer parce que j’en ai marre de ces salopards. On ne peut pas laisser tuer nos camarades sans réagir. Si on me donne une arme, alors je m’en servirai contre ces collabos venus de l’ouest ».
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A l’intérieur de la tente, c’est un ancien mineur qui accueille les volontaires. « Les gens viennent depuis 6 heures du matin. Ça n’arrête pas ! Ils viennent avec leurs bagages, je leur dis qu’il faut revenir plus tard, mais ils refusent de partir ! Les volontaires reviennent de partout, vous savez : des villes de l’est, mais aussi des villes de l’ouest. Ils viennent de toute l’Ukraine pour nous soutenir », rapporte Alexander, qui affirme que, chaque jour, ce sont des centaines de personnes qui se présentent devant lui.
Une fois enregistrés, les volontaires sont pris en charge par d’anciens officiers de l’armée soviétique. Ils sont ensuite répartis sur les différentes positions tenues par les insurgés.
Propagandes
Le drame d’Odessa trouve un écho très important à Donetsk et dans l’est de l’Ukraine. Un écho amplifié par les chaînes de télévision russes ou ukrainiennes, qui donnent chacune deux versions totalement différentes des faits.
Résultat, les pro-Russes sont persuadés que le gouvernement ukrainien et les militants de Secteur droit (Pravyi Sektor), cette milice nationaliste de l’ouest, sont responsables du drame. L’impact est très fort, particulièrement chez les insurgés pro-Russes, qui voient dans ce drame la justification de toutes leurs actions et qui motivent d’ailleurs un grand nombre de personnes à rejoindre leur rang, le drame d’Odessa va donc sans doute mettre encore d’avantage d’huile sur le feu séparatiste.
Du côté des partisans de l’Ukraine, on reprend, à l’inverse, la version des autorités ukrainiennes, qui voient dans l’incendie meurtrier d’Odessa la main de Moscou et des services de renseignements russes.
■ A Kiev, le gouvernement sur le qui-vive
Avec notre correspondante à Kiev, Caroline Larson
A quelques jours des commémorations du 9 mai, date à laquelle la Russie célèbre la victoire de 1945, dans la Grande guerre patriotique, Kiev tente de garder le cap. Ce jour, le président du Parlement ukrainien, Olexandre Tourtinov dit craindre des provocations, côté pro-russe, d’autant plus que le 9 mai est aussi devenu la journée de l’Europe qui marque l’anniversaire de l’UE.
Les autorités ukrainiennes continuent de tenir la Russie, comme directement responsable des troubles massifs en Ukraine, et même de l’incendie criminel d'Odessa, et qui a coûté la vie à une quarantaine de personnes, principalement des militants pro-Russes. Car le sinistre faisait partie des plans de la Russie, a estimé hier le Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk , ceci pour discréditer Kiev et le mouvement pro-ukrainien. Kiev qui espère assoir sa légitimité aux yeux de tous, le 25 mai prochain avec l’organisation d’une élection présidentielle. Encore faut-il que le scrutin puisse se tenir.
En attendant, il s’agit de contenir autant que possible, les troubles dans l’est et maintenant le sud de l’Ukraine et l’opération anti-terroriste semble devoir se poursuivre.
■ Odessa, une ville historique très particulière
Odessa est une ville importante, qui a une véritable culture, que le monde entier connaît grâce à Einstein. C’est une ville qui a une façon de penser et une façon de se déterminer très différentes du reste des régions russophones, dont elle fait partie. C’est une ville dans laquelle vivaient côte à côte et en parfaite symbiose pendant très longtemps, des Russes, des juifs mais aussi des Grecs.
Une ville qui a sa propre façon de penser, sa propre façon de parler, à la différence des villes comme Sloviansk ou Donietsk, qui sont très proches de la Russie et qui vivent, d’une certaine manière, au rythme de la Russie.
Il n’y a pas vraiment d’oligarques à Odessa, dans la mesure où il y a très peu d’industrie. C’est une ville commerçante, ouverte sur le monde. Elle vit de son port, mais aussi du tourisme. Il y a tout de même des personnages qui ont fait beaucoup d’argent, notamment ces vingt dernières années.