Alors que 40 000 soldats russes stationnent à la frontière ukrainienne, les autorités de Kiev ont repris le contrôle dans la ville de Karkhiv. Mais à Donestk, les séparatistes occupent depuis dimanche le siège des autorités régionales et à Louhansk, ils se sont saisis du bureau de la sécurité d’État et de son armement. Ce jeudi 10 avril, le président ukrainien par intérim, Oleksander Tourtchinov a promis qu'aucune poursuite ne serait engagée à leur encontre s'ils évacuaient les bâtiments et déposaient les armes. Plus nuancée, la position du ministre de l'Intérieur Arsène Avakov est de proposer une « solution politique » à « ceux qui acceptent le dialogue », mais il ajoute que « les marginaux qui cherchent le conflit recevront une réponse forte ».
Le président russe Vladimir Poutine a immédiatement réagi en enjoignant les autorités ukrainiennes de « ne rien commettre d’irréparable ».
Pour éviter que la crise dégénère, une réunion quadripartite devrait se tenir à Vienne ou Genève vers le 17 avril entre Russes et Ukrainiens, en présence de l’Union européenne et des Etats-Unis. C’est une démarche diplomatique sans précédent depuis le début de la crise : faire s’asseoir l’Ukraine et la Russie à la table des négociations.
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Mais si John Kerry et Sergueï Lavrov sont en contact constant et que la réunion quadripartite de la semaine prochaine a été abordée lors de leurs entretiens téléphoniques, le département d’Etat américain estime qu’il ne faut pas y placer trop d’espoir. Jusqu'à présent, les échanges sont indirects entre Kiev et Moscou. Ce mercredi matin, quand le ministre ukrainien de l’Intérieur, Arsen Avakov, a menacé d'employer la force contre les séparatistes, le président russe l'a enjoint à « ne rien commettre d’irréparable ».
Moscou prône une fédération en Ukraine
Vladimir Poutine déclare cependant espérer que les discussions à quatre auront « une issue positive ». Leur utilité serait de « permettre une discussion sur la réforme constitutionnelle de l'Ukraine », a insisté le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov. Moscou réclame en effet une fédéralisation de l’Ukraine, pour « protéger » la population russophone des régions de l’est du pays. Les dirigeants de Kiev voient dans ce fédéralisme une menace d’éclatement du pays et estiment que la Russie manoeuvre pour rejouer, dans l'Est ukrainien, le scénario de l’annexion de la Crimée.
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Une crainte partagée par les Etats-Unis. Les « incidents » séparatistes « portent tous la marque d'une campagne orchestrée d'incitation de séparatisme et de sabotage de l'État ukrainien avec l'aide des services de sécurité russes », a déclaré Victoria Nuland, la secrétaire d'Etat adjointe se montrant par ailleurs sceptique sur le succès de discussions quadripartites. « Je dois dire que nous n'avons pas d'attentes fortes pour ces pourparlers, mais nous pensons qu'il est très important de laisser ouverte cette porte diplomatique », a-t-elle déclaré ce mercredi.
Pour Washington, la réunion quadripartite est « une des nombreuses étapes »
« Il va se passer plusieurs jours entre maintenant et cette réunion, la semaine prochaine. Vous le savez, c’est une situation volatile », a insisté Jen Psaki, porte-parole du département d’Etat américain, au micro de RFI. « Au-delà d’engager les deux parties à engager des discussions autour de la même table - l’Ukraine et la Russie - et au-delà des sanctions, il y a aussi le processus engagé sur le terrain par le gouvernement légitime d’Ukraine, que nous soutenons, qui va mener à une élection et à une réforme constitutionnelle », a insisté le diplomate américain. « Ce n’est pas comme si nous retenions tous notre souffle en attendant cette réunion ! », a-t-il lâché, relativisant l’importance de la rencontre quadripartite à venir : « Cette réunion est une des nombreuses étapes sur lesquelles nous travaillons avec le gouvernement ukrainien, afin de les aider dans leurs efforts au cours de cette période de transition. »
Les députés russes de l'APCE privés de droit de vote
La virulence des débats qui ont agité ce mercredi la séance de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), à Strasbourg, prouve l’ampleur de la tension entre Kiev et Moscou. Lors d’un débat sur les « menaces » pesant sur l’Ukraine, députés russes et ukrainiens ont échangé des propos très durs. « Ceux qui ont voté pour agresser et tuer nos femmes et nos enfants sont assis dans cet hémicycle », a ainsi lancé le député ukrainien Serhiy Sobolev, s’adressant à ses homologues russes. « Des gens ont été tués pour leurs opinions politiques » en Ukraine, lui a rétorqué le député russe Leonid Sloutsky qui a dénoncé un « coup d’Etat » ayant permis à des partisans de « l’idéologie nazie » d’accéder au pouvoir à Kiev. L’APCE, qui rassemble des parlementaires des 47 pays du Conseil de l’Europe et n’a qu’un avis consultatif, s'est prononcée ce jeudi pour priver de droit de vote les députés russes.