L'Otan, par la voix de son secrétaire général, Anders Fogh Rasmussen, appelle ce mardi Moscou à reculer et met en garde contre les « conséquences graves » d'une intervention qui constituerait une « erreur historique ».
Moscou se dit prête à envisager des pourparlers mais à condition que l'est du pays soit représenté. « Nous sommes prêts à envisager un format dans lequel seraient représentés les Européens, les Etats-Unis, la Russie et la partie ukrainienne », a déclaré ce mardi Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires étrangères russe.
Pour les Russes, Kiev est responsable de la situation dans l’Est, explique notre correspondante à Moscou, Muriel Pomponne. Moscou exige que l’on cesse de l’accuser de tous les maux de l’Ukraine. « Kiev doit entendre les demandes légitimes des populations de l’Est », avait déclaré, lundi 7 avril, le ministère russe des Affaires étrangères.
Sergueï Lavrov l’avait aussi dit à son homologue ukrainien, Andreï Dechtchitsa, au cours d’une conversation téléphonique lundi. Il exhortait le gouvernement actuel à Kiev à prendre des mesures urgentes pour organiser un dialogue national impliquant toutes les forces politiques et les régions de l'Ukraine, afin notamment de garantir les droits linguistiques, culturels et socio-économiques des populations du sud-est de l’Ukraine.
Sergueï Lavrov insistait sur « l’urgente nécessité d’une profonde réforme constitutionnelle » car pour Moscou, la solution à la crise est simple : l’Ukraine doit devenir une fédération et être un pays non aligné. C’est le credo des autorités russes depuis le début de la crise. Elles n’en démordent pas, alors que Kiev refuse cette fédéralisation et accuse Moscou de vouloir démembrer l’Ukraine.
Arrestation de manifestants pro-russes à Kharkiv
Une partition contre laquelle s'est élevé le président par intérim Olexandre Tourtchinov ce mardi matin devant le Parlement. Les « séparatistes » qui « prennent les armes, qui envahissent des bâtiments, seront traités comme le prévoient la Constitution et les lois, comme des terroristes et des criminels », a assuré le président ukrainien en précisant que les forces de l'ordre « ne prendront jamais les armes contre des militants pacifiques ». Le Parlement à Kiev a adopté une loi qui punit plus sévèrement les actes séparatistes.
Dans la nuit, des unités des forces de l'Intérieur ont repris la main à Kharkiv, où le bâtiment de l’administration locale avait été occupé par des groupes pro-russes et était toujours assiégé. Des femmes de ménage s’y activent à remettre de l’ordre. Le ministère de l'Intérieur a annoncé l’arrestation de 70 personnes pour « séparatisme ».
Incertitude à Donetsk
Rien n’indique pour l’instant qu’une opération similaire soit en préparation à Donetsk, où les partisans d’un rattachement à la Russie tiennent toujours l’administration régionale. Ils y ont proclamé hier lundi une « république souveraine » en attendant la tenue d'un référendum dans les semaines qui viennent, décision sur laquelle ils seraient déjà revenus ce matin, selon le journal en ligne Ukrainskaya pravda. Des discussions ont eu lieu, dans la nuit, notamment avec l’homme le plus riche d’Ukraine, Rinat Akhmetov qui a répété que la région minière du bassin du Don devait rester ukrainienne.
Le maire de Donetsk a de son côté annoncé que les manifestants avaient rendu une partie de leurs armes. Mais les abords de l'administration locale restent entourés de barricades de pneus et de fils de fer barbelés, où des hommes cagoulés montent la garde.
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En Ukraine, la population suit de près ces nouveaux événements dans l'Est à l'image de Dimitri Simonov. Pour ce manager d'une entreprise franco-ukrainienne, les intentions de la Russie ne font aucun doute. Elle essaie de récupérer une région ukrainienne contre la volonté de ses habitants : « Vous avez une puissance limitrophe qui envisage de bouffer une partie de votre territoire. Cela s'est déjà passé en Crimée, et on n'a pas fait la guerre. Mais si les Russes essaient d'envahir l'est de l'Ukraine, il y aura une guerre. Cela est vraiment une certitude. »
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Une fédéralisation de l'Ukraine
Les Etats-Unis eux alternent, menaces, et offrent de dialogue pour tenter de calmer les tensions. D'un côté, ils demandent à Vladimir Poutine de cesser de déstabiliser l'Ukraine et envisagent de nouvelles sanctions économiques à l'encontre de la Russie. De l'autre, ils soutiennent toujours l'idée d'un règlement diplomatique.
Dans ce but, pour la enième fois, les chefs de la diplomatie russe et américain, Sergueï Lavrov et John Kerry, ont eu une conversation téléphonique, lundi 7 avril. Ils se seraient mis d’accord sur une rencontre, incluant les Etats-Unis, l'Union européenne, l'Ukraine et la Russie, qui pourrait se tenir dans les dix jours.
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Un scénario qui rappelle celui mis en oeuvre en Crimée
Les militants pro-russes ont certes proclamé une « République souveraine » à Donetsk mais ils ont également demandé le rattachement de la région à la Russie. Un orateur est allé jusqu’à réclamer une intervention de « forces d’interposition » russes.
Les similitudes
La plus importante des similitudes entre la Crimée et les régions orientales de l’Ukraine, c’est la domination numérique de la communauté russophone, russophile et beaucoup moins pro-européenne que le centre et l’ouest du pays.
Selon les sondages, les autorités actuelles de l’Ukraine peuvent compter sur un soutien de seulement 20 % de la population des régions orientales et encore moins en Crimée, alors que dans le reste du pays les sympathisants du gouvernement sont trois fois plus nombreux. La propagande russe trouve donc un écho favorable à l’est ukrainien, mais pas dans tous les domaines.
Les dissemblances
Contrairement à la Crimée, l’idée phare de Moscou, celle de la « fédéralisation » de l’Ukraine avec une très large autonomie accordée aux régions, est rejetée par 45 % de la population de l’est et du sud du pays. Ceux qui l’acceptent y sont deux fois moins nombreux. Le soutien à l’unité de l’Ukraine est toujours majoritaire dans le pays. Celui à la séparation durable de la Crimée de l’Ukraine se situe au niveau de 25 %.