Avec nos correspondants et envoyés spéciaux,
Les manifestations et rassemblements nationalistes se tiennent dans plusieurs villes dont la capitale, Kiev, où le Premier ministre par intérim, Arseni Iatseniouk, a affirmé ce dimanche matin que l'Ukraine ne céderait pas « un centimètre de sa terre » à la Russie, alors que les forces pro-russes occupent depuis la fin du mois dernier la péninsule ukrainienne de Crimée. A Simferopol, c’est autour d’une imposante statue du poète que se sont retrouvés les manifestants, racontent nos envoyés spéciaux Daniel Vallot et Richard Riffonneau. Taras Chevtchenko est considéré ici comme le symbole de la littérature ukrainienne et aussi de la résistance au 19e siècle à la domination russe sur l’Ukraine. « C’est un symbole particulièrement important pour nous, expliquent les militants pro-Kiev, à l’heure où notre appartenance à l’Ukraine est menacée ».
Ces manifestants dénoncent l’intervention de la Russie en Crimée. Ils dénoncent aussi l’organisation du référendum du 16 mars, un référendum « illégal », disent-ils, organisé par des autorités qui n’ont aucune légitimité puisqu’elles se sont emparées du pouvoir avec l’aide de milices pro-Russes et des soldats envoyés par Moscou. Ce référendum étant considéré comme illégal, les groupes nationalistes appellent à le boycotter. Pas question, disent-ils, de participer à ce qu’ils qualifient de « mascarade électorale », organisée sous la pression des armes et, disent-ils, « sous la surveillance de forces d’occupation étrangères ».
Affrontements à Sébastopol
A Sébastopol, il y a eu des affrontements entre partisans de Moscou et partisans de Kiev, tandis qu'à Simferopol, les pro-Maïdan font état de deux arrestations ce matin. La nouvelle a été annoncée par Sergueï Kovalski, l’un des principaux militants de la mouvance pro-Maïdan en Crimée. C’est son père, également militant, et un autre responsable de cette mouvance, André Ichenkoun, qui auraient été appréhendés ce dimanche matin par des hommes non identifiés. Personne ne sait où se trouvent à présent les deux hommes qui craignaient depuis plusieurs jours pour leur sécurité. Il n’y a plus d’Etat de droit en Crimée, affirment les militants présents à Simferopol. Pour l’heure, les autorités locales n’ont fait aucun commentaire sur cette double disparition, refusant de la confirmer ou de l’infirmer.
→ à (re)lire : la Crimée au coeur de la crise qui oppose Kiev et Moscou
Manifestation aussi à Lougansk dans l'est
Sur la place centrale de cette grande ville industrielle de l’extrême-est de l’Ukraine, à 30 kilomètres de la frontière russe, quelques centaines d’habitants se sont rassemblés ce dimanche midi, rapporte notre envoyé spécial Jean-Arnaud Dérens. D’un côté de la large avenue Sovetskaya, on brandit des drapeaux ukrainiens, de l’autre, des drapeaux russes. Sergei Jigoulsky, un ancien officier de l’armée soviétique qui préside aussi l’association locale des vétérans de Tchernobyl, manifeste dans le camp des « pro-Russes ». « Je comprends que les habitants de Lougansk aient choisi cette forme de protestation, pas parce qu’ils veulent la guerre ou quelque chose comme ça… Ils veulent juste vivre à leur manière, explique-t-il. Nous travaillons dans ce pays, nous l’avons construit et nous voulons y vivre dignement. Je ne veux pas de sécession, je ne veux pas de guerre, et personne ne le veut en Ukraine.»
Les habitants du Donbass préfèrent en général observer une prudente réserve, même s’ils expliquent volontiers qu’il est impossible pour eux de voir dans la Russie une menace ou un ennemi. Mais à Lougansk, après quelques échauffourées, un millier de militants pro-russes ont investi le bâtiment de l'administration régionale, sur lequel flotte désormais la bannière tricolore de la Russie. Le gouverneur régional nommé par Kiev a démissionné.