Avec nos envoyés spéciaux à Simferopol
Drapeau ukrainien autour des épaules, tulipe jaune à la main, Natalia, une habitante de Simferopol de souche russe, veut dénoncer ce qu’elle qualifie d’occupation militaire, par la Russie, de son propre pays : « Je suis venue dire ce que je pense de ce qui se passe en ce moment. Je suis russophone de Crimée, mais je veux vivre dans une Ukraine libre. Je veux que mes enfants grandissent dans une société démocratique, et je ne crois pas qu’avec la Russie ce soit possible. Alors je viens me battre, pour ma liberté et pour celle de mes enfants ».
Aux côtés de Natalia, son amie, Olga, d’origine ukrainienne, craint elle aussi pour sa liberté et pour son droit à s’exprimer dans sa langue maternelle : « Avant l’intervention de la Russie, je portais les couleurs bleues et jaunes de l’Ukraine, et c’était OK. Mais maintenant si je veux parler en ukrainien, les gens me regardent de travers. C’est ce regard qui me fait peur ».
Climat de peur
Depuis que les partis pro-russes se sont emparés du pouvoir dans la province, les partisans d'EuroMaïdan en Crimée se disent victimes d'une véritable campagne d'intimidation de la part des nouvelles autorités. C'est le cas d'Andreï Shekun, l’un des coordinateurs du mouvement en Crimée. « Les vraies menaces ont commencé il y a cinq jours. Notre maison a été placée sous surveillance 24h sur 24. Et puis j’ai été agressé par des miliciens. Alors j’ai envoyé ma femme et mes enfants dans l’ouest de l’Ukraine. J’ai pris cette décision pour leur sécurité », raconte Andreï.
Autre militant pro-européen et pro-Ukraine, Sergueï Kovalski avoue lui aussi avoir des craintes pour sa sécurité. En quelques jours, c’est un climat de peur qui s’est installé à Simferopol pour tous les activistes qui refusent de reconnaître les nouvelles autorités. « Maintenant je fais attention quand je sors dans la rue. Je me retourne sur moi et quand j’entre dans un bâtiment je reste sur mes gardes. Ils disent partout qu’on est des fascistes, et je me fais très souvent insulter dans la rue. Je pense qu’avec tout ce qu’ils disent sur nous, un excité pourrait très bien décider de nous tirer dessus », s’alarme-t-il.
Pour se donner du courage, les manifestants entonnent l’hymne ukrainien, un moment rare dans une Crimée où le camp pro-russe s’est emparé de la rue. Très vite, des miliciens s’approchent de la manifestation, drapeau russe à la main. Les militants échangent des invectives, des insultes, mais pas de coups, les partisans de l’Ukraine veulent à tout prix éviter l’affrontement. Malgré les pressions et les intimidations, ceux-ci continuent de se mobiliser. Ils appellent à manifester ce dimanche contre le référendum du 16 mars. Ce qui se passe ici depuis une semaine, disent-ils, n'est qu’un avant-goût de ce qui nous attend en cas de rattachement avec la Russie.