Avec notre envoyée spéciale à Kiev, Anastasia Becchio
Au pied du clocher du monastère Saint-Michel en plein cœur de Kiev, Ivan Sydor, 24 ans, en soutane noire de séminariste, se souvient très bien de la nuit du 10 au 11 décembre :
« Vers une heure du matin, j'ai commencé à recevoir des tas d'appels téléphoniques, de femmes essentiellement. Elles pleuraient et me disaient : allez sonner les cloches, parce qu'ils sont en train de disperser les manifestants. J'ai aussitôt appelé le supérieur du monastère, qui m'a donné sa bénédiction pour commencer à sonner les cloches. Le carillon a duré de 2 h à 5 h du matin ».
Pendant qu’Ivan sonne les cloches, à quelque 500 mètres en contrebas, sur la place de l’Indépendance, une masse compacte de centaines de manifestants tente de stopper l’avancée des policiers antiémeute. Sur la scène, les prêtres chantent des prières. Au lever du jour, les forces de l’ordre finissent par se replier. Mais Ivan, modeste, relativise l'importance de son rôle :
« Je pense que la sonnerie des cloches a réveillé des gens, mais elle a surtout aidé les gens moralement, elle les a soutenus, et a permis de faire en sorte que la nuit se termine pour tout le monde sans effusion de sang. On me demande : est-ce que vous vous considérez comme un héros ? Je réponds que non. Pour moi, le héros, c'est le peuple ukrainien. Et si l'Église ferme la porte aux gens, alors ça n'est plus l'Église. »
En cas de besoin, le jeune séminariste se tient prêt à remonter dans son clocher.