Avec notre envoyée spéciale à Kiev, Muriel Pomponne
Cet échec n’est pas une surprise car il s’agissait plutôt d’une prise de contact au cours de laquelle chacun a campé sur ses positions. L’opposition a trois revendications préliminaires avant toute discussion de fond avec la présidence : la libération des personnes arrêtées lors des assauts contre les manifestants les 1er er 11 décembre – ce premier point été accepté par le président Ianoukovitch, mais c’est sa seule concession. En revanche il n'est pas question de sanctions contre les responsables de la répression, en tout cas pas au niveau ministériel, et pas davantage de démission du gouvernement.
Le ton était d’ailleurs assez agressif entre les représentants de l’opposition et le Premier ministre Mykola Azarov, conforté par le président Viktor Ianoukovitch, qui a réaffirmé sa volonté d’inclure la Russie dans des discussions avec l’Union européenne.
Les oligarques changent de camp
Le mouvement de contestation bénéficie depuis le début du soutien de Petro Poroshenko, ancien ministre du président Iouchenko, qui est très favorable à un rapprochement avec l’Union européenne. Poroshenko est surnommé le « roi du chocolat », car il travaille notamment dans le cacao. Ses confiseries ont été victimes d’un embargo imposé par la Russie cet été. C’est aussi un poids lourd de la politique ukrainienne.
Autre oligarque, Viktor Pintchouk, deuxième fortune du pays et gendre de l'ex-président Koutchma, a plus récemment fait part de sa sympathie pour le mouvement de contestation. Et les chaînes de TV qu’il contrôle, en font un large écho. Le magnat de l'industrie chimique Dmytro Firtach, qui a également des intérêts dans le gaz, a étonnement permis à la chaîne de télévision qu’il contrôle, de donner la parole aux manifestants.
Mais le revirement le plus significatif est sans doute celui de Rinat Akhmetov, première fortune du pays, très présent dans l'industrie lourde, et généralement considéré comme le financier du parti présidentiel. Il ne s’est prononcé ni en faveur du mouvement de contestation ni en faveur de l’Europe, mais il a condamné le recours à la force et s’est dit favorable à une solution négociée. Sa prise de position peut jouer un rôle important dans le bras de fer actuel entre le pouvoir et l’opposition.
Les pro-Ianoukovitch qui vont faire ce samedi une démonstration de force
Une tribune a d'ailleurs été érigée sur une autre place, la place de l'Europe - un paradoxe - qui se situe à 200 mètres tout au plus de la place de l'Indépendance. Les partisans de Viktor Ianoukovitch y sont attendus. Un certain nombre sont déjà présents à Kiev, d'autres devraient arriver de l'Est du pays ou de Crimée.
Les opposants affirment que des cars ont été affrétés et les gens payés par le pouvoir pour venir. A noter que dans plusieurs villes de province des rassemblements de l'opposition ont été démantelés. Des policiers arrivent également de province - des policiers, pas des forces anti émeutes, car elles ont déjà toute mobilisées. Ce week-end chacun va donc compter ses forces car les opposants au gouvernement maintiennent eux leur appel à manifester demain dimanche place de l'Indépendance à Kiev.