Ukraine: l’abandon d'un accord avec l’UE laisse perplexe la population

En Ukraine, on est encore sous le choc de la décision surprise du gouvernement d'abandonner les négociations pour signer un accord d'association avec l'Union européenne. Le président Victor Ianoukovitch est accusé d'avoir manqué une chance historique. Mais on a encore du mal à comprendre pourquoi.

De notre correspondant à Kiev,

Comme dans la plupart des cas, c'est une combinaison de plusieurs facteurs qui ont débouché sur cette situation.

La responsablitié des Européens

D'abord, les Européens se sont montrés très faibles sur cette question. Ils ont trop essayé d'obtenir la libération de Ioulia Timochenko. En Ukraine, ce n'est pas une question si cruciale que cela, et cela a deplus permis au gouvernement ukrainien de jouer au chat et à la souris pendant un certain temps, sans aborder d'autres sujets de fond. Les Européens ont aussi été incapables d'assurer une aide financière substantielle à l'Ukraine, malgré les efforts qu'elle avait à fournir dans le cadre de l'accord d'association, mais aussi contre les pressions russes.

Parce que la Russie de Vladimir Poutine s'est, elle, montrée très forte dans cette question, que ce soit en utilisant la carotte ou le bâton. Depuis l'été, les échanges commerciaux ont diminué d'environ 25 % entre l'Ukraine et la Russie, à cause d'obstacles érigés par le Kremlin. Et on murmure que Vladimir Poutine a su donner des garanties suffisantes à Victor Ianoukovitch, notamment sur sa réélection en octobre 2015. Mais en même temps, il n'a pas réussi à faire en sorte que l'Ukraine rejoigne son projet d'union douanière qu'il forme avec le Kazakhstan et le Bélarus.

Le régime de Viktor Ianoukovitch s'en sort bien

On parle beaucoup dans la presse internationale de « retour dans le giron russe », mais en fait, Victor Ianoukovitch, que l'on taxe d'un autoritarisme croissant, reste maître chez lui. Le président ne laisse ni Bruxelles ni Moscou interférer dans ses affaires. Son gouvernement doit intensifier la coopération avec les pays de l'ancien bloc soviétique, mais sans aucun projet d'envergure en vue. Le chercheur Taras Kuzio parle de « la famille », c'est à dire les oligarques de l'entourage proche du président, comme des « nationalistes économiques » qui ne sont prêts à céder leur souveraineté à personne. Et on dirait qu'ils ont réussi, au moins pour un temps.

 

Une belle occasion manquée que beaucoup d'Ukrainiens n'acceptent pas

On voit des mouvements de protestation un peu partout, depuis deux jours. En particulier sur Maidan Nezalezhnosti, la place de l'indépendance à Kiev, qui est occupée depuis deux jours par des groupes de citoyens, plus ou moins politisés, qui réclament une intégration européenne de leur pays. On ne sait pas encore ce que cela va donner, mais les symboles sont importants, et ils donnent du poids à la contestation.

→ A (RE)LIRE : Comment l'Ukraine retourne dans le giron russe

Neuf ans presque jour pour jour après la Révolution orange, c'est la première fois que des manifestants prennent possession de la place. On parle déjà de « second Maidan », d'EuroMaidan. Aujourd'hui, c'est le jour de commémorations nationales dédiées à l'Holodomor, cette grande famine de 1932-33 que l'on dit organisée par les Soviétiques, qui avait coûté entre trois et sept millions de morts. C’est donc un symbole fort pour l'unité nationale et contre l'héritage soviétique, et par extension contre la Russie. Demain dimanche, des manifestations géantes sont attendues à Kiev. Cela sera le test des protestations.

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