Elections allemandes: Angela Merkel bien partie pour un troisième mandat

À deux semaines des élections législatives, la chancelière allemande bat toujours des records de popularité dont profite son parti chrétien-démocrate (CDU). Le programme de la tenante du titre tient en un mot : « moi ». Elle vante son bilan ainsi que son expérience pour séduire les électeurs et le scrutin s'annonce sans surprise.

Les innombrables panneaux « Angie » brandis par ses supporters dans les meetings de la CDU, les affiches électorales du parti ou encore les spots télévisés en témoignent : Angela Merkel est le meilleur argument de son parti. Au terme du débat télévisé qui l’opposait à son challenger social-démocrate Peer Steinbrück le 1er septembre, celle qui dirige l’Allemagne depuis bientôt huit ans s’est adressée droit dans les yeux - par caméra interposée - aux téléspectateurs en leur disant : « Vous me connaissez ». Angela Merkel répète à l’envi que la coalition conservatrice qu’elle dirige entre chrétiens-démocrates et libéraux est « le gouvernement qui a engrangé le plus de succès depuis la réunification ».

Un bon bilan économique

La chancelière souligne les bons résultats économiques de son pays. La récession a certes été brutale en 2009 mais, depuis, la crise - à l'opposé de ce que vivent d’autres pays européens - reste une lointaine réalité pour des Allemands qui restent épargnés par le chômage et les soubresauts de la zone Euro. Angela Merkel passe plus rapidement sous silence le fait que le bilan de la coalition qu’elle dirige bénéficie en revanche d’une image bien moins favorable que la chancelière elle-même. Les quatre dernières années ont en effet été marquées par d’innombrables querelles qui ont souvent débouché sur des compromis boiteux.

Entre, d'un côté, des libéraux qui ont engrangé un score historique il y a quatre ans (près de 15 % des voix) et voulu imposer certaines de leurs idées et, de l'autre, des chrétiens-sociaux bavarois soucieux avant tout de prouver, pour asseoir leur emprise régionale, qu’ils pouvaient marquer des points à Berlin, Angela Merkel a eu fort à faire. Le style présidentiel d’une chancelière peu connue pour ses décisions rapides et fortes a conduit à laisser dériver des bisbilles ministérielles peu flatteuses pour l’image du gouvernement.

Mais le côté « téflon » de Merkel - ce matériau utilisé pour les ustensiles de cuisine et sur lequel rien n’adhère - a toujours fonctionné à plein. Les « misères » de certains de ses ministres dont certains ont dû démissionner ou l’affaire des dernières semaines autour de l’espionnite de l’agence de sécurité américaine NSA : rien ne semble pouvoir égratigner la popularité de la chancelière, malgré les laborieux efforts de l’opposition de gauche.

Une image rassurante

Angela Merkel souvent baptisée du sobriquet gentillet de « Mutti » (maman) est en quelque sorte la mère de la nation. Loin d’une Margaret Thatcher cassante et polarisante, la chancelière, d’un naturel plus réservé et consensuel, séduit au-delà des cercles traditionnellement acquis aux chrétiens-démocrates ou à la droite en général. Pour un certain nombre d’Allemands, que des sujets complexes comme la crise de la zone Euro ou les questions internationales dépassent, elle représente un havre de paix comme le foyer familial qui protège d’un monde cruel.

Bien entendu, l’intéressée refuserait cette étiquette. Mais il n’empêche. Angela Merkel sait aussi jouer de cette image de femme restée simple et proche des réalités de la population. Les derniers mois ont été marqués par un nombre de déclarations et de manifestations hors du commun pour la très réservée Angela Merkel. Elle a parlé de sa vie avec son mari qui aime bien ses petits plats, de ses lectures ou encore de ses « prouesses » de jeunesse. Bref, « Angie » convainc aussi les Allemands en mettant en scène sa « normalité ». On voit des photos montrant la femme la plus puissante du monde fraîchement rentrée d’un sommet avec les grands de ce monde faire elle-même ses emplettes dans un magasin de Berlin, souvent les Galeries Lafayette.

Le revers de la médaille à cette popularité, c’est l’absence de principes de la très pragmatique Angela Merkel dont les décisions, parfois vitales, sont prises en fonction des sondages et non d’une orientation politique à moyen terme. L’exemple le plus éclatant restera, pour la législature qui s’achève, l’abandon accéléré du nucléaire après la catastrophe de Fukushima alors même qu’un bastion historique des chrétiens-démocrates, le Bade-Wurtemberg, vacillait car menacé par la popularité, alors au zénith, des Verts. Le virage à 180 degrés de la chancelière qui, six mois plus tôt, avait décidé à l’inverse de prolonger la longévité des mêmes centrales n’a servi à rien. Comme la région de Rhénanie-du-Nord-Westphalie perdue un an plus tôt malgré la valse-hésitation de Merkel sur les aides à la Grèce, le Bade-Wurtemberg a basculé à gauche.

Réalisme politique

Nucléaire, développement des places de crèches, abandon du service militaire obligatoire, reconnaissance d’une nécessaire immigration : le nombre de dossiers sur lesquels la CDU sous Angela Merkel a effectué un aggiornamento est longue. Le parti chrétien-démocrate s’est modernisé, notamment sur les sujets de société. La chancelière qui, avant son élection en 2005, avait défendu un programme des plus libéral a ensuite gouverné quatre ans à la tête d’un gouvernement de grande coalition avec les sociaux-démocrates.

Sa politique met l’accent sur les sujets sociaux. Et Angela Merkel, qui ne recule devant rien, est la reine de la « démobilisation asymétrique ». Ce concept pondu par les politologues signifie en clair : reprendre les thèmes de l’adversaire (salaire minimum, limitations des hausses de loyers...) pour lui couper l’herbe sous le pied et lui enlever les maigres sujets qui pourraient permettre à la gauche de marquer des points. Jusqu’à présent, cette stratégie ne paraît pas si mauvaise.

La CDU d’Angela Merkel, avec 40 % des intentions de vote, possède 15 points d’avance dans les sondages sur les sociaux-démocrates. Cependant, beaucoup d’électeurs restent encore indécis. Et l’annonce depuis des semaines de la réélection présentée comme assurée de la chancelière constitue pour l’intéressée un risque important : celui d’une démobilisation tout aussi asymétrique mais qui frapperait, cette fois, ses supporters tentés d'aller à la pêche plutôt que voter, le dimanche 22 septembre.

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