Dachau a été le premier camp de concentration ouvert par le pouvoir nazi le 22 mars 1933, soit moins de deux mois après l’accession au pouvoir de Hitler. Il fut ouvert dans une petite ville de la banlieue de Munich connue auparavant comme un lieu de villégiature prisé par les artistes. Le camp est dans un premier temps créé pour interner les opposants de gauche du nouveau régime : les communistes et les sociaux-démocrates. Plus tard, d’autres prisonniers y seront transportés : des juifs, des Roms, des homosexuels. Au total, plus de 200 000 personnes seront internées à Dachau jusqu’à la fin avril 1945, lorsque le camp sera libéré par les troupes américaines. 40 000 prisonniers ne survivront pas.
Un passé gênant pour la municipalité
Dachau sera aussi le premier camp abritant un mémorial, qui a ouvert ses portes en 1965, soit vingt ans après la fin de la guerre, à l’initiative des survivants. Longtemps, ce lieu de mémoire et la municipalité se trouvent dans une situation de « guerre froide », souligne l’historien Jürgen Zarusky qui habite depuis longtemps sur place. Le passé gênant est refoulé par les conservateurs bavarois qui tiennent la mairie et veulent mettre en avant des aspects plus « sympathiques » de leur cité.
Dachau se perçoit même plutôt comme « victime » du IIIe Reich. Lorsqu’un élu local veut faire raser les fours crématoires, dans les années 1950, une vague de protestation internationale met fin à ce projet. Plus tard, dans les années 1980, un projet de centre de rencontres international pour les jeunes suscite de nombreuses oppositions sur place.
Les choses changent à partir de la moitié des années 1990 à l’occasion d’un changement à la tête de la municipalité. Le centre de rencontres ouvre en 1998.
Travail de mémoire
Depuis, la mairie a effectué un travail de mémoire. Le maire s’est rendu récemment au camp d’extermination d’Auschwitz avec de nombreux élus du conseil municipal. Dachau s’est même efforcé de nouer un jumelage avec une ville israélienne qui, finalement, n’aboutira pas. Mais des relations existent avec l’Etat hébreu. Le maire de la ville a également visité Oradour-sur-Glane en France, village martyr de l’armée nazie. Pour la première fois, un haut responsable allemand, le président Joachim Gauck s’y rendra d’ailleurs début septembre en compagnie de François Hollande.
« Jusqu’à aujourd’hui, vivre à Dachau, ça n’est toujours pas simple pour les habitants », explique l’historien Jürgen Zarusky. « Dans les contacts avec des personnes étrangères notamment, la ville reste avant tout connue comme un lieu ayant abrité un camp de concentration nazi. Une rue Dachau en Allemagne fait d’abord référence à ce passé douloureux et non à la ville de Bavière », ajoute Zarusky.
Angela Merkel évoque « un chapitre effroyable » de l'histoire
La visite d’Angela Merkel sur place n’a tout d’abord pas été prévue pour se rendre au mémorial. Nous sommes en campagne électorale. Hormis le scrutin national du 22 septembre, on vote aussi en Bavière pour renouveler le parlement régional une semaine plus tôt. Et Dachau abrite traditionnellement une grande fête l’été. Les tentes dressées pour accueillir la foule sont, lors des campagnes électorales, utilisées pour des meetings. 4000 personnes peuvent tenir sous la tente où la chancelière a pris la parole. Son discours a par ailleurs été retransmis à l’extérieur.
Un survivant du camp de concentration, Max Mannheimer, vice-président du comité international de Dachau, a profité du meeting électoral de la chancelière pour l’inviter à se rendre au mémorial. Ce citoyen d’honneur de Dachau, parle d’une visite « historique, signe de respect pour les détenus ». Angela Merkel y a passé une heure, le temps de déposer une gerbe, de visiter deux bâtiments et de prendre brièvement la parole. « Chaque détenu du camp de Dachau ou d'autres camps de concentration avait évidemment une histoire personnelle qui a été interrompue ou même anéantie », a déclaré Angela Merkel, évoquant « un chapitre effroyable et sans précédent de notre histoire ».
Elle a également insisté sur le fait que « cet endroit est un avertissement insistant : comment a-t-on pu en arriver en Allemagne à ce qu'on retire le droit de vivre à des gens en raison de leur origine, de leur religion, de leur orientation sexuelle ? »
Un déplacement qui a fait polémique
Cette concomitance des deux événements a été critiquée comme une faute de goût. La présidente du groupe parlementaire du parti écologiste Renate Künast évoque « un enchaînement irrespectueux ». Un historien de renom Wolfgang Benz aurait préféré un « timing » plus digne.
Dans son podcast hebdomadaire le week-end dernier, Angela Merkel avait évoqué cette visite : « Nous vivons aujourd’hui dans une démocratie. Mais nous savons que cette démocratie est toujours menacée. C’est pour moi toujours une honte de constater que les institutions juives dans notre pays doivent être protégées ». L’ancienne responsable de la communauté juive d’Allemagne, la Munichoise Charlotte Knobloch, a quant à elle salué « un signal crédible et fort ».