De notre correspondant à Berlin
« Il est tard, mais pas trop tard ». Ce message figure depuis ce mardi 23 juillet sur deux mille affiches à Berlin, Cologne et Hambourg. On y voit une photo de la sinistre entrée du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau.
Baptisée « Opération de la dernière chance », la campagne poursuit : « Des millions d’innocents ont été tués par des criminels de guerre nazis. Quelques-uns sont encore libres et en vie. Aidez-nous à les faire comparaître devant la justice ». Les Allemands sont donc appelés à livrer des informations. Des récompenses pouvant aller jusqu’à 25 000 euros sont prévues.
La campagne d’affichage a été permise grâce au soutien d’une entreprise allemande qui a mis des espaces à disposition. Le directeur du centre Simon Wiesenthal, l’historien israélien Efraim Zuroff, regrette toutefois que les appels lancés par son organisation à de nombreuses sociétés n’aient débouché que sur quelques réponses positives. Ce chercheur de nazis reconnu admet toutefois les efforts importants faits par l’Allemagne dans ce domaine. « C’est parce que les autorités sont actives dans la recherche des anciens nazis que cette campagne fait sens ».
Efraim Zuroff se montre en revanche beaucoup plus critique à l’égard d’autres pays européens, notamment ceux de l’ancien bloc communiste. Pour lui, par exemple, une telle campagne en Ukraine serait « sans espoir ». Efraim Zuroff remarque, de manière ironique, que l’affiche de sa campagne figure depuis ce mardi devant l’ambassade d’Autriche à Berlin. Et l’historien de regretter que « depuis trente ans, aucune poursuite contre d’anciens nazis n’ait abouti dans ce pays ».
Si l’Allemagne avait choisi après les procès de Nuremberg après la guerre, imposés par les Américains, d’oublier le passé, un travail intensif sur l’histoire nazie du pays a eu lieu depuis les années 1960. Cent mille personnes y ont été accusées de crimes de guerre. Treize mille ont été jugées et la moitié condamnées, selon l’office allemand chargé d’élucider les crimes nazis.
Depuis le procès contre l’ancien garde du camp de Sobibor, John Demjanjuk, il y a deux ans à Munich, la jurisprudence a permis de relancer les procédures contre les derniers criminels aujourd’hui très âgés. La seule présence dans un camp de la mort suffit pour être condamné. Il n’est plus nécessaire de rechercher des preuves matérielles ou des témoignages prouvant la culpabilité directe des accusés.
Efraim Zuroff estime que quelques dizaines de criminels de guerre nazis sont encore vivants en Allemagne. Il est persuadé que sa campagne, qui durera deux semaines, débouchera sur de nouveaux procès : « Le temps ne diminue pas la culpabilité des assassins. Le grand âge ne doit pas constituer une protection pour ces personnes. Les victimes sont en droit d’exiger que leurs bourreaux soient poursuivis. Ces procès sont également importants pour lutter contre le négationnisme et constituent un message fort ».