Avec notre envoyée spéciale à Saint-Jacques-de-Compostelle,
Sur le talus qui borde les voies, la foule est moins nombreuse à se presser contre le grillage. Il ne reste plus qu’un wagon et la motrice déchiquetée est couchée sur le côté. Mais ce vendredi soir, le premier train Alvia identique à celui qui a déraillé mercredi 24 juillet arrive en provenance de Madrid.
Le train passe au ralenti et klaxonne, à la sortie du tunnel. Les gens sont émus. Car la polémique enfle au sujet du conducteur du train qui a pris le virage à 190 km/h, au lieu des 80 autorisés. Ana est chauffeur de bus. Selon elle, les médias accusent trop facilement le conducteur : « On accuse toujours les conducteurs. Alors que bien sûr ça a pu être de sa faute, mais ça peut aussi être autre chose, que la plupart d’entre nous ne perçoivent pas. Et parler pour parler et spéculer, c’est trop facile. Mais il faut se mettre à sa place un petit peu ! Moi je suis chauffeur et je conduis beaucoup de monde, et je n’aimerai pas faire les frais d’accusations et qu’on parle de façon aussi légère de ce genre de choses. »
José Luis reste lui aussi prudent. « Le conducteur est un être humain, il a pu commettre une erreur, mais je ne pense pas que toute la faute repose sur lui, je ne pense pas », confie-t-il. Tant que les boites noires n’ont pas tout révélé et que l’enquête n’est pas bouclée, toutes les hypothèses sont à retenir, disent-ils.
Un drame évitable ?
Pour Rafael Rico, conducteur de train et membre de la direction du syndicat des machinistes espagnols, la catastrophe aurait pu être évitée. « Sur une ligne récente comme celle qui relie Madrid à Ferrol, dans ce cas précis sur le tronçon entre Orense et Saint-Jacques-de-Compostelle, le système de contrôle de vitesse automatique ERTMS a été installé. Ce système permet d'éviter toute erreur humaine, explique Rafael Rico. Mais à environ dix kilomètres de l'arrivée en gare de Saint-Jacques, nous ignorons pourquoi - s'il s'agit de questions budgétaires ou s'ils ont estimés que ça n'était pas nécessaire ou pour une autre raison -, le système ERTMS s'arrête et à la place on retrouve le système ASFA, celui qu'on utilise en Espagne. C'est un système beaucoup plus ancien qui ne permet pas de contôler la vitesse. A cet endroit, si la ligne avait été équipée du système ERTMS, il est évident que l'accident n'aurait pas eu lieu. »