Grèce: la fermeture de la radiotélévision publique se transforme en crise politique

Les centrales syndicales du public et du privé ont toutes deux dénoncé une fermeture «antidémocratique ». Pour eux la décision du Premier ministre Samaras est un « coup d’État ». Grève générale donc aujourd'hui jeudi, et nouvelle journée sans médias puisque depuis hier mercredi les journalistes grecs sont en grève illimitée. La fermeture de l'audiovisuel publique se transforme en crise politique ouverte et la responsabilité du Premier ministre Antonis Samaras est pointée. Réaction ce jeudi du vice-président de la Commission européenne, Antonio Tajani : «ça suffit avec les sacrifices» en Grèce.

Avec notre correspondante à Athènes, Amélie Poinssot

La foule s’est rassemblée depuis ce jeudi matin devant le siège de ERT, une foule en colère contre la fermeture de ERT, contre une atteinte à la démocratie, comme on peu le lire sur les banderoles. Alors il y a les syndicats, bien évidemment, mais aussi des partis de l’opposition politique, des militants, et puis surtout de très nombreux Grecs, venus exprimer leur désarroi contre ce qu’ils dénoncent comme un coup d’Etat.

Ici c’est l’incompréhension qui règne. Est-ce que le Premier ministre a voulu commettre un suicide politique ? Pourquoi maintient-il ce bras de fer, alors que la mesure a suscité un tollé dans les médias à l’étranger ? Le sentiment qui domine c’est l’humiliation. Une fonctionnaire en grève racontait ce matin son impuissance. « Ce n’est plus simplement une mesure économique, c’est notre vie privée maintenant, qui est attaquée », disait-elle. Alors jusqu’où l’affrontement va-t-il aller ? Tous les manifestants n’ont qu’un mot la bouche : la dictature. En Grèce, le souvenir de la dictature des colonels est encore très présente dans les mémoires. Même la junte n’avait pas pris de telles mesures contre les médias publics.

L'ERT c'était 5 chaînes de télévisons, 7 stations de radio nationales et 18 régionales, plus trois orchestres et une chorale. Le public est choqué : cette fois-ci ce n'est plus seulement la question des licenciements qui les met en colère, c'est l'autoritarisme de la méthode, le dénigrement pour le service public et le rôle des médias en démocratie, c'est l'irresponsabilité de ceux qui ont pris cette décision.

Le Premier ministre lâché par ses alliés

« Une ambiance de crise politique et institutionnelle », ces mots sont ceux d 'Evangelos Venizelos, le leader du Pasok, le parti socialiste grec.La crise politique est ouverte. Les deux alliés de la coalition gouvernementale, les socialistes du Pasok et la gauche modérée de Dimar se sont désolidarisés immédiatement de Antonis Samaras.

Ils ont demandé une réunion des trois leaders de partis pour trouver une sortie de crise. Le Premier ministre n'a pas répondu pour l'instant. Le décret de fermeture de l'ERT est passé avec le seul soutien des ministres de la droite, et le porte-parole du gouvernement a assuré hier, mercredi 12 juin 2013, que tout serait fait démocratiquement : «un projet de loi est déjà prêt et doit passer rapidement» a-t-il dit à RFI, au Parlement.

Mais sans ses partenaires, la droite ne dispose plus de la majorité au parlement : elle ne compte que 125 députés sur 300. On voit mal, donc, comment la loi pourrait passer. La fermeture d’ERT a par ailleurs suscité un tel tollé à l'international, qu'il serait étonnant que le gouvernement maintienne le bras de fer. Peut-être ne sait-il plus comment revenir en arrière, et dans ce cas-là, évidemment c'est l'escalade : éclatement de la coalition, nouvelles élections anticipées : un scénario que l'on a connu ici il n'y a pas si longtemps. C'était l'an dernier.

→ Sur le même sujet, écouter ce jeudi 13 juin l'émission Décryptage à 19h10 sur RFI, avec Kostas Vergopoulos, économiste et Thomaïs Papaïannou, journaliste correspondante de l’ERT

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