Fermeture de l'ERT en Grèce: une nouvelle loi devant le Parlement

«Non à la dictature !» Voilà ce que l'on peut lire sur une grande banderole hissée devant le bâtiment abritant le siège de la radio-télévision publique, ERT. Depuis mardi soir, 23h, les Grecs n'ont plus ni télévision ni radio publiques, conséquence de la décision du gouvernement de clôturer immédiatement les programmes par mesure d'économie. Face aux multiples manifestations de mécontentement -grève des médias privés, réactions de tous bords-,  le gouvernement a annoncé le dépôt d'un projet de loi réorganisant tout l'audiovisuel public grec, télévision, radio et internet, et tente, dans une conférence de presse, de justifier le décret pris mardi soir.

Avec notre correspondante à Athènes, Amélie Poinssot

«Ce n’est pas une fermeture, mais un redémarrage!, a asséné le porte-parole du gouvernement, Simos Kedikoglou. Tout ce qui est raconté dans les médias étrangers n'est que mensonge».

Les médias grecs étant en grève ce mercredi, c’est devant les correspondants de la presse étrangère, incrédules, que le porte-parole du gouvernement a défendu cette mesure soudaine, d’interruption des chaînes de la télévision publique nationale, une décision tout à fait démocratique, selon lui, puisque une loi va passer devant le Parlement.

Considérant que le statut public de ERT était une exception en Europe, négligeant complètement au passage l’existence de médias comme RFI ou la BBC, il a soutenu qu’on ne pouvait pas maintenir un tel groupe médiatique pour seulement 10% de téléspectateurs.

Le porte-parole du gouvernement a toutefois tenu à préciser que le motif de cette décision n’était pas économique, qu’elle n’était pas imposée par la troïka. « Il s’agit surtout de mettre fin au gaspillage, de faire redémarrer le groupe avec une nouvelle structure plus saine. Nous avons essayé à de multiples reprises, se défend-il, mais nous n’y sommes pas parvenus ».

Repartir de zéro donc, avec des critères de recrutement transparents et méritocratiques, le gouvernement Samaras aura bien du mal à convaincre. Depuis un an qu’il est en fonction, il a lui-même entretenu les pratiques clientélistes qu’il dénonce aujourd’hui.

Les salariés des chaînes publiques grecques ERT tentaient aujourd'hui de faire revenir le gouvernement sur sa décision et de leur côté, les syndicats grecs ont appelé à une grève de 24 heures demain, jeudi pour protester contre la mesure. 

Inquiétude en Europe

En Europe aussi, plusieurs réactions se sont faites entendre. La Commission européenne a pris acte de la décision du gouvernement grec de fermer la radio-télé publique, mais elle insiste sur le rôle indispensable joué par le service audiovisuel dans la vie démocratique. Comme le précise notre correspondant à Bruxelles, Pierre Bénazet, la Commission européenne n'a pas de compétence particulière en matière de médias publics. On l'a vu récemment concernant la Hongrie ou encore l'Italie.

Le président de l’Union européenne de Radio-Télédiffusion (UER), Jean-Paul Philippot, qui dirige aussi la TPF, la Télévision publique belge, appelle l’Union européenne à prendre ses responsabilités. Ses responsabilités ne peuvent pas être qu’économiques, il faut aussi qu’elles affirment les valeurs européennes.

Pour le président de l’Union européenne de radiodiffusion, il s'agit d'une atteinte brutale et massive à la démocratie, aux valeurs européennes, une régression grave et sans précédent.

Cela ne s’est même jamais passé sous la dictature des colonels en Grèce. La police  envoyée par le gouvernement pour fermer l’émission d’une chaîne de télévision... Il faut que l’Europe réagisse, l’enjeu est celui des valeurs européennes et de la démocratie en Europe.

La ministre française de la Culture, Aurélie Filippetti a également réagi.

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