Avec notre correspondant à Istanbul, Jérôme Bastion
Comme l’avait promis le ministre de l’Intérieur dès samedi, la police est restée loin de Taksim, cette place emblématique, qui est toujours occupée pacifiquement par des centaines de manifestants.
Des manifestants, qui avaient d’abord défilé dans l’avenue piétonne d’Istiqlal, au son des casseroles que les habitants frappent les unes contre les autres à leurs fenêtres. C’est devenu une tradition désormais. Comme celle de camper sur la place Taksim dans le calme.
Un premier mort annoncé par les médias
En revanche, à moins d’un kilomètre, se trouve le bureau du Premier ministre Erdogan, lorsqu'il se trouve à Istanbul, à Besiktas, et là, des accrochages très violents ont encore eu lieu.
Ils se poursuivent en fait depuis quatre jours et trois nuits. Il y a beaucoup de dégâts dans ce quartier, les pavés des trottoirs ont été par exemple complètement arrachés.
Il faut également mentionner la mort d’un manifestant, annoncée ce matin par les médias locaux. C’est une voiture qui aurait foncé dans un groupe de protestataires. On ignore les détails de cet accident, mais c’est sans doute la première victime mortelle de ces émeutes, après que les réseaux sociaux ont annoncé à plusieurs reprises des nouvelles similaires, mais jamais confirmées jusque-là.
500 manifestants interpellés à Ankara
Depuis plusieurs jours maintenant, la contestation touche aussi de nombreuses autres villes en Turquie. Et elle gagne du terrain.
Dans la capitale, depuis 48 heures, les accrochages sont ainsi extrêmement violents. La police a interpellé au cours de la seule nuit passée, pas moins de 500 manifestants. Et en province, les foyers de contestation se multiplient à grande vitesse.
Les manifestants s’en prennent généralement aux bâtiments du Parti de la justice et du développement, l’AKP du Premier ministre, au pouvoir depuis une décennie maintenant.
Et la situation semble loin de se calmer en Turquie : au troisième jour des émeutes, le gouvernement ne paraît toujours pas savoir comment réagir, comment s’adresser à la population, qui est de plus en plus nombreuse à rejoindre les rangs des manifestants.
A défaut, les autorités jouent donc le bras de fer. Hier soir, le Premier ministre Erdogan était invité dans une émission de télévision, où il n’a fait en fait, que défendre son projet immobilier à Taksim. Il a annoncé vouloir maintenir, coûte que coûte, ses projets urbanistiques sur la place, et de même vouloir y construire une mosquée. Cette intervention a été clairement ressentie, par les manifestants, comme une provocation.
Erdogan ironise
En partance ce lundi 3 juin pour le Maroc, une visite maintenue comme si de rien n’était, le Premier ministre turc a répondu aux questions des journalistes, avant de monter dans l’avion. Ce fut l’occasion pour lui de commenter pour la première fois la situation dans son pays.
Il a ironisé sur la situation de son pays en répondant à une question sur le printemps turc, allusion au « printemps arabe ». « Oui, c’est le printemps en Turquie », a-t-il déclaré, évoquant la santé économique de son pays, « même si certains aimeraient nous amener l’hiver. « Les manifestations, ce sont des prolongements extrémistes du parti d’opposition CHP (le Parti républicain du peuple) », a-t-il ajouté en commençant à s’énerver. « La Bourse plonge-t-elle ? Un épiphénomène, dit-il, c’est la nature des valeurs boursières, de monter et descendre ».
Et sur les sociétés étrangères, qui annulent voyages et réservations en Turquie : « Elles paieront cher leur embargo contre le pays ». Et d'énumérer les réussites économiques de son gouvernement comme les routes, les hôpitaux, les universités. M. Erdogan s’est montré très irritable, semblant ni comprendre ni être prêt à répondre à la contestation de la rue.