Allemagne: ouverture du plus vaste procès de l’après-guerre

À Munich en Allemagne s’est ouvert le plus vaste procès de l’après-guerre. Beate Zschäpe, jeune néo-nazie, est accusée d’une dizaine de meurtres racistes. Son procès, bien qu'interrompu jusqu'au 14 mai suite aux demandes de renvois déposées par des avocats d'accusés, est aussi celui de la passivité de l’Allemagne face à l’extrême-droite.

De notre correspondante à Munich, Nathalie Versieux

D’elle, on ne connaît pas grand-chose, seulement quelques photos montrant une jeune femme au visage enfantin, petites lunettes, parfois un bandana sur la tête. Beate Zschäpe rêvait de devenir puéricultrice, elle est devenue néo-nazie et terroriste.

À 38 ans, elle est soupçonnée d'avoir participé à la série de crimes racistes perpétrés par la cellule d’extrême-droite NSU entre 2000 et 2006. Dix crimes, la mort de huit petits commerçants turcs, d’un Grec et d’une policière, sont imputés à la NSU, ainsi que 15 braquages et deux attentats à la bombe qui ont fait des dizaines de blessés.

Beate Zschäpe a eu une enfance difficile. Elle est née à Iéna, en ex-RDA en janvier 1975. Sa mère est alors étudiante en Roumanie, elle confie le bébé à la grand-mère.

Une radicalisation prématurée

À la chute du mur, Beate Zschäpe a 14 ans. Elle a changé trois fois de nom au rythme des divorces de sa mère et elle a connu quantité de déménagements. Débute alors l’époque de sa radicalisation. Au début des années 90, elle suit une formation d’horticultrice et fait la connaissance des deux Uwe, Uwe Mundlos et Uwe Böhnhardt.

Le trio devient vite inséparable, il se radicalise, il crée la NSU, cette cellule terroriste. Il participe à des manifestations d’extrême-droite, prépare un attentat à la bombe et il passe dans la clandestinité pour échapper à la police. Leur cavale durera quatorze ans.

Aujourd’hui, c’est cette cavale qui intéresse tout particulièrement la justice allemande, car pendant toutes ces années, Beate Zschäpe aurait joué un rôle dominant dans le groupe. Le parquet est convaincu que sans elle, les crimes racistes de la NSU n’auraient pas été possibles.

De nombreuses interrogations quant  au rôle de la police

Pendant leur cavale, c’est elle qui organisait un semblant de normalité autour de leur vie. C’est elle qui a permis au groupe de passer inaperçu, et c’est ce qui scandalise le plus l’opinion allemande. Comment un groupuscule, théoriquement recherché par la police, et qui a bénéficié du soutien de quelque 130 personnes au cours de toutes ces années, a-t-il pu échapper aux forces de l’ordre ? La question intéresse la justice, mais aussi une commission d’enquête parlementaire.

À aucun moment la police n’a envisagé la piste raciste, alors que neuf petits commerçants étrangers sont assassinés les uns après les autres aux quatre coins de l’Allemagne, mais tous avec la même arme. Pire, les préjugés des enquêteurs sont tels qu’ils sont convaincus d’avoir affaire à des crimes mafieux communautaires, et ils s’acharnent sur les familles des victimes, accusées des meurtres.

L’Allemagne semble tout simplement avoir négligé les dangers de l’extrême-droite. Obnubilés par le danger islamiste, les services de renseignements intérieurs ont fait preuve de négligence avec les néo-nazis. L’extrême-droite est quasiment inexistante au niveau électoral en Allemagne, mais les groupuscules sont très importants.

Les néo-nazis ont assassiné près de 200 personnes au cours des trente dernières années, c’est beaucoup plus que les meurtres ou les crimes qui sont attribués aux terroristes islamistes.

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