Comme souvent dans ce genre d’affaire, le danger est venu de l’intérieur. Précisément d’un cadre de la banque UBS qui a été licencié en 2010. Nicolas Forissier a perdu son emploi pour avoir dénoncé l’évasion fiscale organisée au sein de sa banque. Dans un entretien accordé ce samedi 30 mars au journal Le Parisien, il relate avoir découvert le pot aux roses après avoir dirigé un audit interne dans la filiale française d’UBS entre 2001 et 2009.
À l’origine, l’opération a pour but de faire le ménage afin de se mettre en conformité avec Tracfin, la cellule anti-blanchiment du ministère de l’Economie, qui signale à UBS France qu’elle abrite de nombreux comptes douteux. En quelques mois, Nicolas Forissier et sa hiérarchie sont amenés à clôturer plusieurs comptes représentant un montant de 300 millions d’euros. À la suite de cette remise en ordre, plusieurs responsables de la banque sont licenciés.
Un département sport bien particulier
C’est toujours dans le cadre de cet audit que Nicolas Forissier est amené à s’intéresser à un département particulier de sa banque, Sport Entertainement Group (SEG), spécialisé dans le secteur du sport et qui dispose de plusieurs agences en province. Le département sport en question n’a pas pour but de faire pratiquer de l’exercice physique aux employés d’UBS. Non, il s’agit d’un tout autre exercice qui consiste à convaincre les sportifs français les plus richement dotés de confier leurs avoirs à la banque zurichoise.
Problème, les banques suisses n’ont pas le droit de démarcher des clients en France. Qu’à cela ne tienne, la SEG sous couvert de soirées ultra-sélectes, permet au nec plus ultra des démarcheurs suisses d’UBS d’entrer en contact avec les clients convoités. Ainsi, révèle aujourd’hui l’ancien cadre de la banque, dès 2002, quelques dizaines de célébrités du ballon rond, de Zinedine Zidane en passant par Laurent Blanc ou Michel Platini, ont bénéficié des invitations du Sport Entertainement Group.
Quelques salariés mécontents
En 2007, quelques responsables d’UBS France à qui leur direction demandait de tenir des « carnets de lait » selon l’appellation maison servant à désigner la comptabilité secrète des opérations transfrontalières illicites, refusent de le faire et informent Nicolas Forissier. Ce dernier proteste auprès de sa direction à qui il signale ces pratiques occultes, « un système encourageant une évasion fiscale massive » résume-t-il. Ses employeurs l’accusent de mentir et le licencient pour « faute grave » en 2010. Deux ans plus tard, les prud’hommes donnent raison à Nicolas Forissier constatant que c’est « à juste titre qu’il avait dénoncé le système frauduleux d’évasion fiscale ». UBS France a fait appel de cette décision.
Suite à cela, une information judiciaire confiée au juge Guillaume Daïeff, est ouverte en France depuis mars 2012. Aujourd’hui âgé de 43 ans, Nicolas Forissier qui a retrouvé du travail dans un autre établissement financier à Paris, demande à ce que l’on rétablisse son honneur et ses valeurs et que le préjudice qu’il a subi soit réparé. Mais au-delà de son cas personnel, il espère que les autorités de contrôle jouent vraiment leur rôle. Du côté d’UBS France, son président depuis mars 2012, Jean-Frédéric de Leusse, assure que « la banque ne fait que des choses parfaitement légales ». Pour lui, cette affaire se résume « à quelques salariés mécontents des conditions de leur licenciement qui ont balancé cette histoire qui ne repose sur rien ».
Sans préjuger du résultat de l’enquête en cours, UBS collectionne les ennuis ces dernières années. Condamnée aux Etats-Unis en 2009 pour fraude fiscale, celle qui est la première banque suisse a dû payer une amende de plus de 600 millions d’euros. Fin 2012, UBS accepte de verser près de 2 milliards d’euros en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis pour éviter d’être poursuivie en justice par les autorités de régulation dans le scandale du Libor.
Le nom d’UBS est encore cité, en France cette fois, autour d’un présumé compte en Suisse qu’aurait détenu Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre du Budget. Et toujours au même chapitre, en France, un rapport sur les paradis fiscaux est attendu pour le mois de septembre. « Ce qu’on découvre est hallucinant », prévient le député souverainiste Nicolas Dupont-Aignan co-rapporteur avec le député communiste Alain Bocquet de ce brûlot.