Chypre: un sauvetage aux lourdes conséquences

L'accord intervenu dans la nuit de dimanche à lundi à Bruxelles entre le gouvernement chypriote, l'Union européenne, la Banque centrale européenne et le FMI évite à Chypre de sortir de la zone euro. Mais il va avoir de lourdes conséquences sur le secteur bancaire hypertrophié de l’île. C'était d'ailleurs en grande partie le but recherché par les Européens qui ont fait preuve d’inflexibilité à cet égard.

Pour obtenir les 10 milliards d'aide de l’Europe et du FMI, Chypre va devoir sacrifier la deuxième banque du pays, la Laiki Bank, mais le président Anastasiades a quand même réussi à préserver l'existence de la Bank of Cyprus, la première banque nationale, dont les Européens voulaient, aussi la disparition. Les conséquences n'en sont pas moins très lourdes.

La Laiki Bank va être liquidée, même si les dépôts inférieurs à 100 000 euros sont protégés, comme c’est la norme dans l’Union européenne, et rassemblés dans une nouvelle structure désormais assainie, une « good bank ». Ces comptes seront prochainement transférés à la Bank of Cyprus.

En revanche, les titres financiers et les dépôts supérieurs à 100 000 euros vont subir une perte importante au sein d'une structure de défaisance ou « bad bank ». A la Bank of Cyprus, les déposants détenteurs de plus de 100 000 euros, soit plus de la moitié des déposants, seront taxés à environ 30% de leurs avoirs. Par ailleurs, les capitaux sont gelés et ils seront convertis « de force » en participation au capital de la banque, dans la mesure de ses besoins.

Cure d’amaigrissement

Cette restructuration fait subir au secteur bancaire chypriote une cure d’amaigrissement. En effet, à Chypre, le secteur bancaire a pris le pas sur toute autre activité jusqu'à représenter 750% du PIB. Avec la crise, Chypre est ainsi devenue malade du trop grand poids de ses banques, particulièrement exposées au risque grec.

Par ailleurs le système bancaire chypriote présentait les caractéristiques de confidentialité, très appréciée des étrangers, de fiscalité avantageuse, et, jusqu'à présent, de sécurité. Cela en avait fait une destination privilégiée des capitaux russes. Ce sont d’ailleurs les comptes russes qui constituent la majorité des dépôts supérieurs à 100 000 euros, non assurés, et même des comptes supérieurs à 500 000 euros.

Cet afflux de capitaux est à l'origine des soupçons de blanchiment qui pèsent sur Chypre qui s’est aussi engagée à lutter contre ce fléau. Il n'est pas certain que la perspective de devenir actionnaires de leur banque, en plus du gel de leurs avoirs soit du goût des déposants, russes notamment. Mais le premier vice-Premier ministre russe Igor Chouvalov a estimé, pour sa part, que la crise chypriote « constitue un bon signal pour ceux qui sont prêts à rapatrier leurs capitaux vers les banques russes ».

Conséquences sociales

Le président chypriote a beau s’être déclaré confiant dans la capacité de son pays à surmonter la pire crise économique de son histoire, et faire appel à la résistance et à la détermination de l'hellénisme chypriote, cette restructuration ne fait pas, non plus, l’affaire des salariés du secteur.

Les services financiers représentent à eux seuls 45% du PIB. Ce secteur emploie, à Chypre, 8 500 personnes pour une population totale de 840 000 habitants. Le démantèlement de la Laiki Bank concerne 2 300 personnes alors que le chômage atteint déjà près de 15% de la population active. D'ailleurs les employés de banque ne s'y sont pas trompés : ils ont commencé à manifester dès samedi dans les rues de Nicosie pour exiger des garanties sur leur avenir.

Reste à savoir quelles conséquences la crise actuelle aura sur le tourisme qui constitue la deuxième activité économique de l'ile après ses banques. Et en attendant les retombées encore lointaines de la récente découverte d'un important gisement de gaz au large des côtes chypriotes.

 

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