Le rejet du plan a été accueilli par une explosion de joie de milliers de manifestants, réunis devant l'Assemblée nationale à Nicosie. Dans la foule en liesse, on pouvait entendre des slogans comme « Chypre appartient à son peuple » ou encore « Un peuple uni ne sera jamais vaincu ».
Sur les pancartes qu'ils brandissent, on peut lire : « Ca commence avec nous, ça finira avec vous », comme un présage adressé à leurs voisins européens. Christina en est convaincue : Chypre sert de cobaye aux créanciers internationaux. « Ils essaient de contrôler notre politique, notre système social, dénonce-t-elle. Ils sont convaincus que les riches doivent devenir plus riches et les pauvres encore plus pauvres. Nous croyons que Chypre est juste le début. Ils visent aussi l'Espagne, l'Italie, le Portugal et d'autres. Ils jouent avec l'avenir de nos enfants ».
Au lieu de taxer les petits épargnants, il faudrait plutôt s'attaquer aux grandes fortunes. « Le plus important serait de traîner les responsables devant un juge au lieu de répartir la culpabilité sur tout le monde. Je crois que les banques sont les responsables », soutient un autre.
Les manifestants saluent le courage des députés qui ont rejeté le plan d'aide. Mais ils ne se font guère d'illusions : il reste six milliards d'euros à trouver pour que la troïka accorde un prêt de dix milliards d'euros à Chypre.
Réactions mitigées en Europe
Au niveau européen, les réactions ont été mitigées. La Grèce, proche alliée du gouvernement chypriote, demande que l'Union européenne (UE) corrige son plan de sauvetage le plus vite possible pour assurer la stabilité de l'euro et protéger Chypre. La zone euro estime au contraire que la balle est désormais dans le camp des autorités de Nicosie et attend une contre-proposition de leur part. De son côté, le ministre allemand des Finances, Wolfang Schäuble, a regretté le rejet du plan initial par le Parlement chypriote. Evoquant sa compréhension pour les manifestations dans le pays, il a mis en garde contre des « décisions irrationnelles et irresponsables ».
A Nicosie, le président conservateur Anastasiades, élu il y a à peine un mois, doit se réunir tôt, ce mercredi matin, avec les chefs de partis.
Retour à la case départ
A Bruxelles, c’est la consternation. Car les milieux européens ne s’expliquent toujours pas comment la réunion de l’eurogroupe dans la nuit de vendredi à samedi a pu accoucher d’un accord à la fois très risqué dans le précédent qu’il crée, et en contradiction flagrante avec la directive européenne qui garantit depuis 2010 l’intangibilité des comptes bancaires jusqu’à concurrence de 100 000 euros.
Certes, le ministre chypriote des Finances et le président de l’eurogroupe manquent l’un et l’autre d’expérience dans leurs fonctions respectives. Et le président précédent, Jean-Claude Juncker, était absent ce soir là. Mais ils étaient tout de même entourés de ministres confirmés et de représentants de haut niveau de la BCE et du FMI, ainsi que du commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires.
Retour à la case départ donc. Car pour sauver Chypre de l’effondrement quasi immédiat de son économie et de sa classe politique, les bailleurs de fonds ne mettront pas un euro de plus que les dix milliards déjà promis. En face, les autorités de l’île n’ont pas le premier centime à y consacrer sur leurs fonds propres. Il s’agit donc maintenant d’inventer une formule qui ne pratiquerait de prélèvement qu’à partir de 100 000 euros et sous forme d’emprunts d’Etat, remboursables au bout de deux ans et – ce serait là la nouveauté – sous garantie internationale.