Trompeurs ou trompés, chacun des protagonistes impliqués dans le scandale de la viande de cheval substituée à du bœuf, se renvoie la balle. Les rayons de surgelés ont été vidés en catastrophe depuis le week-end de tout ce que les clients n’auraient de toute façon pas acheté. Parti de Grande-Bretagne où de la viande de cheval a été découverte dans des lasagnes Findus « 100% pur bœuf », le scandale prend dorénavant une envergure aussi européenne que criminelle. Une réunion de crise des ministres européens de l’Agriculture est d’ailleurs programmée à Bruxelles ce mercredi 13 février pour discuter des « mesures nécessaires » à prendre au niveau de l’Union européenne.
L’ampleur de la fraude s’étend
Loin d’être cernée, l’étendue de la fraude ne cesse de s’étendre. En France, et pour la première fois depuis la découverte de l'affaire en Grande-Bretagne, c’est l’entreprise française Picard qui a annoncé mardi avoir à son tour découvert de la viande de cheval dans des lasagnes de bœuf et dans du chili con carne. La marque « haut de gamme » de surgelés affirme avoir retiré les lots de lasagnes suspects dès le 6 février alors que ceux de chili con carne l’ont été depuis ; Picard assure par ailleurs dans un communiqué qu’aucun autre produit parmi les 1 200 que comporte sa gamme n’est concerné.
Au Royaume-Uni, la police a perquisitionné dans deux entreprises soupçonnées d’avoir vendu du cheval en lieu et place du bœuf à ses clients. L’Agence de sécurité sanitaire britannique (FSA) a suspendu l’activité des deux usines, dont un abattoir soupçonné d’avoir fourni des carcasses de chevaux, elle a saisi toute la viande ainsi que les documents administratifs où figure la liste de leurs clients, ce qui augure de perquisitions en chaîne dans les prochains jours. Il semble qu’ainsi une organisation britannique frauduleuse pourrait être mise au jour. Jusqu’à présent on ne parlait que d’une filière franco-roumaine.
Justement, en Roumanie, d’où provenaient les premiers lots de viande chevaline, deux abattoirs, Carmolimp et Doly-com, sont aussi dans le collimateur de la police. Le directeur de Doly-com se défend de toute malhonnêteté ; il affirme n’avoir jamais prétendu vendre autre chose que du cheval ajoutant « quelqu’un sur le trajet a changé l’étiquette ». Alors, qui a trompé qui ? Dès la révélation du scandale, la société Findus a aussitôt montré du doigt son fournisseur, Comigel, un sous-traitant qui distribue ses produits dans 16 pays d’Europe.
Mais l’embrouille semble beaucoup plus complexe au fur et à mesure que l’on dévoile les chemins tortueux empruntés par la fameuse viande chevaline présentée comme étant « pur bœuf ». Ainsi, la société Comigel s’est déjà tournée vers son fournisseur de viande, Spanghero une PME du Sud-Ouest laquelle montre du doigt la Roumanie pays de provenance de la viande ainsi des intermédiaires néerlandais et chypriote.
Un désagréable parfum de déjà-vu
Chacun s’interroge maintenant sur les failles du système qui ont conduit à ce scandale alimentaire aux allures de déjà-vu. Vache folle, steaks hachés aux E. coli, volaille à la dioxine, poulet à la javel, les scandales alimentaires se répètent avec une fréquence et une ampleur qui ne se dément pas malgré des réglementations de plus en plus pointilleuses.
Les déclarations, mardi 12 février, de la Commission européenne estimant « prématuré » de rendre obligatoire la mention de l’origine de la viande dans les plats cuisinés faisant valoir que la situation relève d'un « problème de fraude », et non de traçabilité, a provoqué de vives réactions. Les professionnels de la filière bétail et viande française (Interbev) se sont ainsi dits « indignés » par ces propos. « La filière viande et les consommateurs attendent des décisions rapides et des actes forts », a déclaré leur président. Mais ce mercredi, le commissaire européen à la Santé et à la Politique des consommateurs, Tonio Borg, reconnaissait que l’UE n’excluait plus de mentionner l’origine de la viande « nous sommes en train d’y réfléchir », a-t-il juste avant la réunion de Bruxelles.
Côté français, on a déjà annoncé le renforcement des contrôles sur la filière viande et pêche. Au niveau européen, Paris veut agir dans le même sens comme l’indique le ministre délégué chargé de l’agroalimentaire, Guillaume Garot : « Il faut que les choses soient modifiées et améliorées. C’est la position que défendra avec beaucoup de vigueur la France ». En attendant, la vente du cheval au prix du boeuf aurait rapporté 300 000 euros, selon une estimation du ministre délégué à la Consommation, Benoît Hamon. Une fraude facilitée par l’opacité et la complexité des méandres des échanges commerciaux.
- Sur notre site en anglais, un article sur le sujet illustré d'une infographie
Dobbingate - Why not eat horse?