Angela Merkel veut plus d’Europe face à la crise de l’euro

Dans une interview à la télévision publique ARD, la chancelière allemande s’est prononcée pour une « union politique » plus étroite et des abandons de souveraineté des Etats membres. Une évolution qui passe le cas échéant par une « Europe à deux vitesses », certains pays allant seuls de l’avant.

De notre correspondant à Berlin

« Nous avons besoin de plus d’Europe. Il ne faut pas seulement une union monétaire mais aussi des politiques budgétaires communes et surtout une union politique. Les Etats nationaux doivent abandonner des compétences et confier aux instances européennes des instruments de contrôle plus importants. »

Angela Merkel avait annoncé des propositions. La chancelière, sans être trop concrète, a en tout cas, dans son interview, souligné quelle direction l’Europe devait prendre pour faire face à l’avenir aux difficultés du moment. Ces propositions doivent être présentées lors du sommet européen fin juin.

Par ces déclarations, Angela Merkel veut reprendre la main sur un dossier où elle a donné l’impression ces derniers temps, notamment après l’élection de François Hollande, d’être sur la défensive, à commencer par la volonté du président français de n’accepter un pacte budgétaire (donc plus de rigueur des comptes publics) qu’à condition que des efforts supplémentaires soient faits pour la croissance.

Vers un assouplissement de compromis

Les déclarations d’Angela Merkel peuvent constituer l’amorce d’un compromis. Berlin accepterait de bouger pour mettre en place des réformes sur la croissance voire, qui sait, une mutualisation de certains instruments à commencer par les euro-obligations. Mais à condition que ces efforts signifiant des dépenses supplémentaires pour le contribuable allemand, plus que réticent, impliquent des abandons de souveraineté des Etats membres. Les instances européennes disposeraient d’instruments pour contrôler et harmoniser les différentes politiques nationales et éviter ainsi que les causes de la crise actuelle ne réapparaissent à l’avenir.

Angela Merkel est consciente qu’une telle évolution ne pourra être acceptée par tous les Etats membres. La chancelière allemande juge qu’une Europe à deux vitesses peut permettre de surmonter cette difficulté. En clair, certains pays se mettent d’accord pour aller de l’avant, d’autres pouvant ultérieurement les rejoindre, comme cela est déjà le cas pour la zone euro ou l’espace Schengen.

Angela Merkel reste, malgré cette vision à moyen terme, fidèle à son pragmatisme habituel. La chancelière estime comme souvent que le prochain sommet européen ne règlera pas tous les problèmes de la zone euro d’un coup.

Une étroite marge de manoeuvre pour la chancelière

Il est vrai qu’il s’agit pour elle d’un exercice hautement acrobatique, où de multiples facteurs entrent en ligne de compte. Car Angela Merkel ne dispose pas, pour décider d’inflexions de sa politique européenne, de la marge de manoeuvre d’autres dirigeants. Hormis la volonté de ne pas perdre la face, elle ne peut soutenir du jour au lendemain le cours de François Hollande, ce qui provoquerait une levée de boucliers au sein du camp conservateur en Allemagne. Et ses concitoyens, très majoritairement favorables à une politique misant avant tout sur la rigueur, ne comprendraient pas un tel compromis.

Mais Angela Merkel doit infléchir sa position non seulement au niveau européen mais aussi en interne à l’égard de la gauche. Car sans les voix des sociaux-démocrates et des Verts, nécessaires pour obtenir une majorité des deux tiers au Parlement, la chancelière ne peut faire adopter le pacte budgétaire. Or, l’opposition veut que des éléments « hollandiens » y soient ajoutés.

Autant dire que celle qui est présentée comme la dame de fer est dans une situation délicate. Un quotidien se demande d’ailleurs si sa politique des petits pas ne serait pas, en fait, une mise en scène pour faire avaler certaines pilules à sa majorité et à ses électeurs, et arracher plus de compromis (voire l’union politique) à ses partenaires européens.

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