Ratko Mladic, un des principaux responsables de la guerre de Bosnie, une guerre qui a fait 100 000 morts entre 1992 et 1995, a été longtemps recherché par la justice internationale. Traqué pendant seize ans, il a finalement été livré au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie par les autorités serbes.
Surnommé « le boucher des Balkans », il a organisé les milices serbes de Bosnie avec le soutien de Slobodan Milosevic à Belgrade pour en faire une armée qui, sous ses ordres, va massacrer, torturer, violer pour terroriser croates et musulmans et les chasser de Bosnie. Il est considéré comme le principal responsable du génocide de Srebrenica.
« Un carriériste qui a rapidement gravi les échelons »
Voilà comment le perçoit Jacques Massé, journaliste spécialiste de la défense, auteur de Nos chers criminels de guerre, publié chez Flammarion : « Plus carriériste et ambitieux que le guerrier qui a été présenté dans la légende en Serbie et la propagande après la guerre et le massacre de Srebrenica, un carriériste qui a rapidement gravi les échelons pour devenir le patron de la Republika serbska ».
Victime de plusieurs attaques vasculaires cérébrales, Ratko Mladic est très diminué mais son procès est essentiel pour écrire l’histoire de la guerre de Bosnie. Pour Joseph Krulic, historien spécialiste des Balkans, « Mladic est le principal accusé de Srebrenica avec Karadzic mais c’est l’acteur militaire et effectif du massacre. Il est accusé de tous les crimes possibles : génocide, crime de guerre, crime contre l’humanité, ce qui est assez rare. C’est une manière de juger la guerre de Bosnie sous ses aspects les plus cruels. Certes, le conflit a débuté il y a plus de vingt ans mais dans ce genre de conflit, il faut une génération presque, soit une bonne vingtaine d’années, pour qu’un pays commence à réfléchir sur des crimes de masse qui ont été commis dans une région ».
« Les victimes n’ont aucune confiance dans la justice internationale »
Agnes Caseiro, avocate des familles des victimes de Srebrenica, s’est battue pour l’instant sans succès pour qu’elles soient indemnisées. Voilà pourquoi elle n’attend rien de ce procès : « C’est un procès au TPIY, qui est une émanation de l’ONU et l’ONU a été un acteur très important dans les faits et aussi dans les massacres parce qu’il y a eu une non intervention et une non protection des Nations unies. Les victimes n’ont aucune confiance dans la justice internationale. [...] Elles n’ont toujours pas été indemnisées. Elles n’ont pas retrouvé leurs maisons. Les maisons de Srebrenica sont toujours à l’état de ruine. Il y a encore énormément de victimes qui sont toujours dans des camps.»
En Serbie, c’est avec inquiétude que l’on attend l’ouverture du procès. Pas seulement parce qu’il risque de rouvrir de vieilles blessures mais aussi parce qu’en pleine campagne pour le deuxième tour de l’élection présidentielle, il pourrait avoir un impact sur le scrutin du 20 mai prochain.
Une éventuelle récupération du procès par les nationalistes inquiète les démocrates en Serbie comme Milienko Dereta, du Mouvement initiatives citoyennes démocratique, il vient d’être élu au Parlement sur les listes du LDP, le Parti libéral-démocrate : « Ils sont en ce moment du côté perdant alors ils feront tout pour essayer d’améliorer leurs résultats du premier tour. Je crains qu’ils profitent du fait que le procès commence à ce moment délicat et qu’ils essayent d’en faire un sujet dont on n'a pas besoin en Serbie parce que la majorité veut en finir définitivement avec cette histoire. Hélas, il existe toujours une minorité qui considère que Ratko Mladic et la question de la guerre en Croatie, en Bosnie et au Kosovo sont une grande injustice pour la Serbie. Ils auront des arguments pour prouver que l’Europe n’est pas une vraie amie de la Serbie. Ce qui met en danger notre parcours comme membre de l’Europe .»
Le pro-européen Boris Tadic est au coude à coude avec le nationaliste Tomislav Nikolic et l'arbitre sera le parti socialiste du défunt Slobodan Milosevic. Boris Tadic,au pouvoir depuis huit ans, a ouvert la porte de l’Union européenne à la Serbie en livrant au Tribunal pénal international les anciens dirigeants politique et militaire des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic et Ratko Mladic.