La fonction présidentielle de Medvedev était encadrée, elle le sera encore plus à la Maison blanche à Moscou. « En tant que Premier ministre, il travaillera dans un cadre encore plus étroit », explique le politologue Dimitri Orechkine. « Il sera un Premier ministre technique, parce que le numéro 1, c'est Poutine, tant du point de vue de la popularité que de la puissance de la personnalité, mais aussi parce que Poutine a le soutien des responsables de la force publique, ce qui est très important dans notre pays. Poutine est un homme politique bien plus fort que Medvedev ».
Selon le politologue, il y a peu de chances que le nouveau chef du gouvernement puisse « réaliser quelque chose de sérieux au poste de Premier ministre ».
Dmitri Medvedev quitte le Kremlin sans avoir obtenu de résultats sur les dossiers qu’il avait jugés prioritaires à son arrivée. La lutte contre la corruption n’a pas porté ses fruits, il l’a lui-même reconnu à plusieurs reprises. La modernisation attend toujours, Skolkovo, la Silicon Valley à la russe n’en est qu’à ses balbutiements, quand à la réforme de la police, les récentes affaires de torture dans les commissariats ont mis en lumière son peu d’efficacité.
Et pourtant, c’est sous Dmitri Medvedev qu’est apparu un nouvel acteur politique, avec lequel le tandem au pouvoir va devoir compter. Depuis les législatives contestées de décembre, la société civile s’est réveillée. « Il s'agit d'une minorité en colère influente, qui a émergé en réaction aux élections législatives frauduleuses », explique l’ancien conseiller du Kremlin, Gleb Pavlovsky. « Ce mouvement représente une partie non négligeable, on a pu notamment le mesurer au nombre de votes recueillis par Mikhaïl Prokhorov à la présidentielle ». Contre toute attente, le milliardaire, nouveau venu en politique, est arrivé troisième à la présidentielle du 4 mars.
Dans le même temps, Vladimir Poutine n’a pas réussi à décrocher une majorité de suffrages dans la capitale, où se concentre le mouvement de contestation. « Tout cela fait qu'il devient impossible de continuer avec l'ancien système de pouvoir », poursuit l’analyste politique. Les conseillers du Kremlin l’auraient d’ailleurs déjà compris, Gleb Pavlovsky en veut pour preuve le départ de Vladislav Sourkov, « l’idéologue, l’architecte de la politique du Kremlin, de ces dix dernières années ».
Sous la pression des manifestations de masse qui ont suivi les législatives de décembre, Dmitri Medvedev a initié une réforme politique, destinée à faciliter l’enregistrement de nouveaux partis et prévoyant le retour à l’élection des gouverneurs de régions au suffrage universel.
La croissance économique et la démographie, nouvelles priorités
La colère de l’opposition ne s’est pourtant pas calmée, comme en témoigne la manifestation massive de ce dimanche à Moscou, où des dizaines de milliers de personnes ont défilé à la veille de l’investiture au Kremlin de Vladimir Poutine. Le nouveau président a annoncé qu'il mettrait l'accent sur la croissance économique et la démographie.
Les réformes libérales, que réclament une partie des manifestants, ne figurent visiblement pas dans ses priorités, et certains doutent qu'il puisse ou veuille les mettre en œuvre, à l'instar du responsable du centre franco-russe de recherches en sciences humaines et sociales de Moscou. Pour Jean Radvanyi, la grille de lecture de Vladimir Poutine est axée sur la « peur d’une influence étrangère pernicieuse ».
Mais l’autre aspect du problème réside, selon le chercheur français, dans le type de lien « qui le relie au système économique et politique, ce que beaucoup d’observateurs très bien informés, qualifient de cercle d’individus, jouant un rôle éminent dans les rapports entre la politique et les affaires en Russie, et qui sont, pour la plupart, les représentants des sphères économiques les plus conservatrices du pays. Il s’agit des secteurs industriels et économiques qui n’ont pas besoin de réforme, ou que certaines réformes pourraient au contraire entraver ou gêner. C’est le cas du complexe militaro-industriel qui bénéficie de commandes d’Etat, les secteurs énergétique et du BTP, complètement grevés par les détournements de fonds », explique Jean Radvanyi.
Dmitri Medvedev et Vladimir Poutine ont, à plusieurs reprises, déclaré que la lutte contre la corruption était l’une de leurs priorités, sans obtenir, jusque-là, de résultats tangibles.