C’est une affaire dont la chancelière Angela Merkel se serait bien passée. Le 12 décembre, le puissant quotidien populaire Bild révèle l’existence d’un prêt de 500 000 euros que le président Christian Wulff aurait reçu d’un entrepreneur en 2008 alors qu’il était à la tête du land de Basse-Saxe. D’autres médias le soupçonnent également d’avoir obtenu auprès d’une banque un prêt aux conditions avantageuses en remerciement de son rôle dans un sauvetage financier du constructeur Porsche en 2009.
Plus que ces prêts suspects, c’est la tentative de Christian Wulff d’étouffer un éventuel scandale qui a mis le feu aux poudres. Selon le quotidien munichois Süddeutsche Zeitung, le président aurait essayé de contacter le rédacteur en chef de Bild la veille de la parution de l’article. Ne parvenant pas à le joindre, il aurait laissé sur son répondeur un message exprimant sa colère, menaçant le journal d’une « guerre » et de poursuites judiciaires. Or, si la fonction présidentielle en Allemagne est surtout protocolaire, le chef de l’Etat est considéré comme une autorité morale au-dessus des partis. Il doit être le garant du respect des principes démocratiques et donc, notamment, de la liberté de la presse.
Colère des médias
La colère des médias commence à gronder et les critiques à pleuvoir. Mercredi 4 janvier, lors d’une interview télévisée, le président Wulff déclare regretter son geste qu’il qualifie lui-même de « faute grave ». Il assure n’avoir voulu que retarder la parution de l’article et réaffirme son désir de se maintenir à son poste.
L’intervention du chef de l’Etat, qui devait calmer les attaques, semble au contraire les raviver. Si le peuple allemand dans sa grande majorité continue à lui manifester son soutien, la presse, elle, se déchaîne. « La question se pose de savoir qui peut redonner du poids à la fonction du président. Wulff estime qu’il peut y parvenir mais il est bien seul à avoir ce sentiment », peut-on lire dans les pages du Süddeutsche Zeitung. Même son de cloches dans le quotidien conservateur Die Welt qui s’interroge vendredi 6 janvier : « Wulff est-il président ou stagiaire ? »
Angela Merkel visée
Angel Merkel devient à son tour la cible des critiques. Le quotidien de centre-gauche Tagespsiegel estime que la chancelière devrait « se poser des questions ». Car depuis le début de l’affaire, Angela Merkel continue d’affirmer son soutien au président Wulff. « La chancelière tient Christian Wulff en haute estime en tant que personne et tant que président, et elle a un profond respect pour la fonction qu’il exerce », a annoncé vendredi son porte-parole.
Relativement silencieux jusque-là, le parti social-démocrate s’est joint aux attaques contre la chancelière allemande. Frank-Walter Steinmeier, chef du groupe parlementaire du SPD et ancien ministre des Affaires étrangères, a déclaré dimanche 8 janvier qu’elle « ne pouvait pas faire comme si elle n’avait rien à voir avec toute cette affaire et comme si le président fédéral vivait dans une autre sphère politique ». L’opposition appelle maintenant à la tenue d’élections législatives si le président qu’elle soutient devait démissionner. « L’affaire Wulff est aussi une affaire Merkel », a lancé le secrétaire général du SPD Andrea Nahles.
C’est un nouveau coup dur pour Angela Merkel qui doit également faire face à l’effondrement de son parti de coalition, le parti libéral FDP. Selon un dernier sondage, il ne récolte plus que 2% d’intention de vote alors qu’il avait recueilli plus de 14% des suffrages lors des législatives de 2009.