Royaume-Uni : la solitude de David Cameron après le «non» à Bruxelles

La droite anglaise est-elle « la plus bête du monde », comme le dénonce Jean-Pierre Jouyet, le président de l’Autorité française des marchés financiers ? Certes, le veto de David Cameron à un nouveau traité européen réjouit une majorité des Britanniques. En revanche, ce refus de jouer collectif isole le Premier ministre, non seulement au sein de l’Europe mais également dans sa coalition avec les libéraux-démocrates.

« Je crois que la droite anglaise a montré qu’elle pouvait être la plus bête du monde et asservie non pas à des intérêts nationaux mais à de purs intérêts financiers », a souligné Jean-Pierre Jouyet sur la radio France Inter, ce lundi 12 décembre. Selon cet ancien secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, les prédécesseurs de David Cameron - Tony Blair et Gordon Brown - auraient choisi une approche plus pro-européenne.

David Cameron, le « Mister No » de Bruxelles, risque par ailleurs de raviver les divisions dans le gouvernement de coalition où les libéraux-démocrates ne cachent plus leur désaccord. « Je suis amèrement déçu par le résultat du sommet parce que je pense qu’il y a maintenant un vrai danger de voir le Royaume-Uni isolé et marginalisé dans l’Union européenne », a jugé le vice-Premier ministre libéral et pro-européen, Nick Clegg, sur la BBC. Il craint qu’un Royaume-Uni sans l’Union européenne soit considéré comme insignifiant par Washington et « comme un pygmée dans le monde ».
 
« La plus rude épreuve »
 

Même si le quotidien The Times parle de la « plus rude épreuve » pour la coalition depuis sa formation en mai 2010, rien n’indique que la position qu’a adoptée le Premier ministre conduira à une rupture entre conservateurs et libéraux-démocrates. Nick Clegg a d’ailleurs tempéré son mécontentement en soulignant qu’une telle fracture dans la coalition au gouvernement serait un « désastre économique » à un moment crucial où le Royaume-Uni est menacé de récession.

Si David Cameron est critiqué par ses alliés pour avoir bloqué un traité à 27, il est franchement soutenu par une opinion publique traditionnellement anti-européenne. Un sondage, paru ce lundi 12 décembre dans The Times, montre qu’une forte majorité de Britanniques (57%) donnent raison au chef du gouvernement qui a su résister à la pression de ses 26 partenaires, Français et Allemands en tête.

L’intransigeance de David Cameron a également galvanisé une bonne partie de ses troupes, surtout la frange des eurosceptiques qui sont légion au sein de son parti conservateur. Les « Tories » ont accueilli leur chef de file en héros lors de son discours devant la Chambre des communes ce lundi 12 décembre, l’occasion pour lui de marteler qu’il n’a pas d’excuses à donner : « Je pense qu’il est tout à fait possible d’être un membre à part entière de l’Union européenne et de rester en même temps à l’écart d’arrangements qui ne protègent pas nos intérêts. C’est ce que j’ai fait lors de ce Conseil européen. C’est cela que je vais continuer de faire tant que je serai Premier ministre. »

Gonflé à bloc, les eurosceptiques pourraient d’ailleurs être tentés de renouveler leur demande d’un référendum sur l’appartenance de la Grande-Bretagne à l’Union européenne. Déjà, en octobre dernier, 81 parlementaires conservateurs avaient soutenu un appel en faveur d’un tel vote populaire. Une revendication qu’a toujours refusée David Cameron, conscient qu’un référendum sonnerait à coup sûr la fin de la coalition et donc de son gouvernement.

Que gagne David Cameron en s’isolant ?
 

Reste la question : que gagne le Royaume-Uni en s’isolant au sein de l’Europe ? Rien, estiment de nombreux observateurs qui soulignent que Margaret Thatcher, elle, avait obtenu un rabais britannique et que John Major, lui, l’exemption de la monnaie unique. « Je n’arrive pas à voir ce que le Premier ministre a gagné », a commenté le directeur du quotidien Financial Times Lionel Barber sur les ondes de la BBC, en précisant que David Cameron n’a reçu aucune assurance de la part de ses collègues européens concernant la protection des intérêts du centre financier, la City de Londres.

Lord Matthew Oakeshott, membre des libéraux-démocrates de la Chambre haute a, quant a lui, parlé d’une journée noire pour le Royaume-Uni : « Nous sommes dans la salle d’attente alors que des décisions cruciales sont en train d’êtres prises. » Dans un entretien au quotidien Le Monde, daté du 13 décembre, le président français Nicolas Sarkozy accuse le Premier ministre britannique d’avoir créé deux Europe : « L’une qui veut davantage de solidarité entre ses membres, et de régulation. L’autre qui s’attache à la seule logique du marché unique ». 

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