Les critiques pleuvent après la condamnation de Timochenko à 7 ans de prison

La sentence est lourde, très lourde : 7 ans de prison et 150 millions d'euros d'amende pour l'ancien Premier ministre ukrainien Ioulia Timochenko. L'égérie de la « révolution orange » de 2004, incarcérée dans une prison de Kiev depuis le 5 août 2011, a été reconnue coupable d'abus de pouvoir dans le cadre de la signature de contrats gaziers avec la Russie en 2009. Le président ukrainien, Viktor Ianoukovitch, a déclaré comprendre les inquiétudes de l'Union européenne.

De notre correspondant à Kiev

« Le jugement écrit par Viktor Ianoukovitch ne change rien à ma lutte. Je me battrai jusqu'à mon dernier souffle. Vive l'Ukraine ! ». La voix est claire mais les traits sont tirés. Dans la petite salle surchauffée du tribunal de Kiev, Ioulia Timochenko s'est battue jusqu'à la fin. Durant quatre heures, elle a écouté l'acte de l'accusation énoncé par le juge Kiriev, tout en réaffirmant son innocence face à la quarantaine de journalistes présents dans la salle. Cela n'a pas suffit, les magistrats ont suivi le réquisitoire du procureur et ont condamné l'ancien Premier ministre à une peine extrêmement lourde : sept ans de prison et 150 millions d'euros d'amende. Ioulia Timochenko a immédiatement indiqué qu'elle contesterait ce jugement devant la justice européenne.

A l’extérieur du tribunal, plusieurs milliers de partisans de l'égérie de la « révolution orange » de 2004 s'étaient rassemblés, dès les premières heures du jour, pour soutenir la principale figure de l'opposition ukrainienne, attendant le verdict dans un face à face tendu avec les hommes des forces spéciales déployés autour du bâtiment.
 

A l'énoncé de la sentence, la réaction de la rue ne s'est pas fait attendre, quelques manifestants ont tenté de forcer les barrages de police montés devant le tribunal et des pierres ont volé en direction des forces de l'ordre. Des échauffourées de courte durée toutefois, tant le dispositif policier mis en place dans la capitale ukrainienne était important. Quelques dizaines de personnes ont été arrêtées.

A l'étranger comme en Ukraine, les réactions d'indignation pleuvent. « Aujourd'hui est un jour de honte pour notre système judiciaire. Seule une dictature où les lois sont bafouées peut condamner un ancien Premier ministre pour avoir pris des décisions politiques », a déclaré Hryhoriy Nemyria, le conseiller pour la politique étrangère de l'opposante.

De son côté, la Commission européenne a affirmé être « très déçue de la peine infligée à Ioulia Timochenko » et Catherine Ashton, haut représentant de l'Union pour les Affaires étrangères, a déclaré que « la façon dont l'Ukraine respecte les lois et les valeurs universelles va avoir de profondes conséquences sur les relations entre l'Union européenne et l'Ukraine ». Le gouvernement ukrainien, qui espérait conclure avant la fin de l'année 2011 un accord d'association avec Bruxelles, est peut-être allé un peu trop loin.

Des réactions négatives à l'étranger
 

De fait, les Européens, les Américains et même les Russes dénoncent depuis des mois la mise en place d'une justice « sélective » en Ukraine. Nul doute que cette condamnation contribue à isoler un peu plus Kiev sur la scène internationale, au moment même où les relations ukraino-russes se sont singulièrement refroidies depuis que l'Ukraine est entrée en conflit ouvert avec Moscou sur le prix du gaz livré par le Kremlin. Pour abaisser ses tarifs, Moscou exige que les Ukrainiens rejoignent l'union douanière formée par la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan, une proposition pour le moment catégoriquement rejetée par le président Viktor Ianoukovitch.

En Ukraine, cette condamnation décapite la principale force d'opposition mais elle pourrait aussi laisser des traces sur la popularité de Viktor Ianoukovitch, qui ne cesse déjà de baisser dans les sondages. Selon une enquête menée durant l'été par l'IFES (International Foundation for Election Systems), 65% des personnes interrogées ne font pas confiance à leur président et 62% des personnes interrogées estiment que l'Ukraine se dirige vers une période d'instabilité. Cette défiance pourrait encore augmenter dans les prochaines semaines.

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