C’est une volonté d’apaisement. Le Premier ministre polonais Donald Tusk s’est rendu ce dimanche en Lituanie pour rencontrer son homologue Andrius Kubilius et les représentants de la minorité polonaise. Car la tension entre le gouvernement lituanien et la communauté polonaise du pays est au plus haut.
Vendredi 2 septembre, un millier d’écoliers, de parents et d’enseignants des écoles polonaises ont manifesté dans les rues de Vilnius contre une nouvelle loi qui impose que plus de matières, parmi lesquelles l'histoire et la géographie, soient enseignées en langue lituanienne. Une mesure que rejettent les manifestants, jugeant qu’elle rend l’instruction plus difficile. Le gouvernement lituanien assure quant à lui que cette loi vise à améliorer l’intégration de la population polonaise.
Avec 250 000 membres, soit 7% de la population totale, la communauté polonaise est la plus grande minorité du pays. Dans une vingtaine de districts autour de la capitale, elle représenterait même 80% des habitants. Elle possède également son propre parti.
Mais l’incompréhension est totale avec le gouvernement lituanien, au point d’affecter les relations diplomatiques entre la Pologne et la Lituanie. D’un côté, Varsovie reproche à Vilnius de ne pas respecter le droit de sa minorité à une identité polonaise. De l’autre, le gouvernement lituanien l’accuse de ne pas suffisamment s’intégrer.
Discorde linguistique
Une nouvelle fois, la question de la langue est au cœur de la discorde. En novembre 2009 déjà, la Cour constitutionnelle lituanienne se prononce contre l’utilisation de l’alphabet polonais pour écrire les noms. En avril 2010, le Parlement lituanien rejette un projet de loi sur la possibilité d’inscrire dans les passeports les noms des minorités nationales avec leur orthographe d’origine. Des écoles polonophones sont fermées, puis remplacées par d’autres, enseignant en lituanien. La Lituanie interdit également l’affichage public bilingue dans des communes où la communauté polonaise représente pourtant plus de 20% de leurs habitants.
Deux eurodéputés polonais portent l’affaire devant la Commission européenne, considérant que par ces mesures, la Lituanie ne respecte pas la Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales, adoptée en 1995, et qu'elle a signé. Celle-ci oblige que l’affichage public soit réalisé dans les deux langues dans les régions bilingues, c’est-à-dire où les minorités représentent au moins 20% de leur population. Mais le Conseil des ministres de l’UE élude le sujet : il « n’a pas discuté de cette question », répond-il. Quant aux passeports, la Cour européenne de Justice a récemment donné raison à la Lituanie en considérant que l’écriture des noms propres sur les documents officiels relevait de la compétence des Etats.
En représailles, des actes de vandalisme sont menés dans le nord-est de la Pologne, où vivent des Lituaniens de souche. Des panneaux de signalisation portant les noms des localités en lituanien sont barbouillés d’inscriptions blanches et rouges, les couleurs nationales.
Des rapports déséquilibrés
Cette rivalité est née de l’histoire. Pendant des siècles, la Pologne a exercé une domination sur son voisin balte. En 1920, elle envahit une partie de la Lituanie et contrôle Vilnius. Une politique de polonisation est instaurée et les écoles lituaniennes sont fermées. Depuis l’explosion de l’Union soviétique et son retour à l’indépendance, la Lituanie pense préserver son identité en modérant son effort de reconnaissance de la minorité polonaise. Mais selon Vilnius, la Lituanie est le seul pays dans le monde où les Polonais de souche peuvent suivre un enseignement dans leur langue maternelle durant tout leur cursus scolaire. Des avantages unilatéraux. Car de son côté, la Pologne, de part sa taille et l’importance de sa population, semble estimer avoir plus de droits que de devoirs sur sa voisine.
A l’issue de leur rencontre, les Premiers ministres polonais et lituanien ont annoncé la création d’un nouveau groupe d’experts sur l’éducation de langues des minorités. Mais Andrius Kubilius ne compte pas céder. Il n'est pas question de changer la loi, a-t-il affirmé.