L’atome au centre des débats

Les Italiens se rendent aux urnes aujourd’hui et demain pour se prononcer sur quatre référendums abrogatifs d’initiative populaire (retour au nucléaire, privatisation de l'eau et immunité pénale de Silvio Berlusconi). De tous, c’est un vote sur l’atome qui suscite le plus de débats. Celui-ci propose en effet d’abroger les dispositions prises par le gouvernement Berlusconi il y a deux ans pour le retour au nucléaire, abandonné après la catastrophe de Tchernobyl en 1986. Trois mois après la catastrophe de Fukushima au Japon, comment se sont mobilisés les antinucléaires italiens ?

Avec notre correspondante à Rome, Anne Le Nir

Les antinucléaires italiens se sont mobilisés sur les places et dans les rues de toutes les villes en Italie. Ecologistes, associations catholiques et même l’association des cancérologues italiens, qui estiment que « le nucléaire est la mère de nombreux cancers », se sont joints à des intellectuels, des artistes, des politiques (essentiellement de gauche) pour inviter les Italiens à dire « oui » à l’abrogation des mesures gouvernementales destinées à relancer le nucléaire en Italie.

Il faut dire que, très marqués par Tchernobyl, les Italiens avaient voté déjà par référendum en 1987 l’abandon du nucléaire à 70 % des voix. Et aujourd’hui, parmi les antinucléaires les plus en vue, l’auteure Dacia Maraini insiste sur le fait « qu’on ne peut pas prendre la responsabilité de décider du sort des prochaines générations, que l’énergie nucléaire est trop nocive à long terme pour être adoptée comme source principale d’énergie à une époque où il est possible de développer les énergies renouvelables non polluantes ».

Si l’on en croit le dernier sondage de l’institut Ipsos, 58 % des Italiens ne souhaitent pas un retour au nucléaire, mais cela ne permet pas de dire que tous vont voter en ce sens. Or, pour qu’un référendum abrogatif d’initiative populaire puisse être validé, la participation doit atteindre 50 % des électeurs, plus une voix, ce qui représente un véritable défi.

Ce qu’il faut préciser aussi, c’est qu’il ne faut pas confondre ce référendum avec un test politique pour Silvio Berlusconi et son gouvernement. Lui a dit qu’il n’irait pas voter parce qu’il tient à son projet adopté en 2009 pour la construction de quatre nouvelles centrales à partir de 2014, mais à droite, les positions sont finalement très diverses comme dans tout sujet éthiquement sensible.

Certains membres de son parti, dont la députée Alessandra Mussolini, ont exprimé publiquement leur intention. Elle votera pour l’abrogation des mesures visant au retour à l’atome et reconnaît que la catastrophe de Fukushima l’a beaucoup fait réfléchir. Elle ne cache pas l’aspect émotionnel de son choix qui est aussi, a-t-elle précisé « celui d’une mère de famille».

Et les arguments des pro nucléaires ?

Il y a d’abord l’aspect économique. L’Italie importe 80 % de ses besoins en électricité, notamment de France. Or cela signifie concrètement des factures d’électricité de plus en plus élevées tant pour les entreprises que pour les particuliers. Il y a ensuite l’aspect scientifique. Selon divers experts, dont le professeur universitaire Giuseppe Zollino, les craintes des Italiens seraient avant tout liées au manque d’informations objectives sur cette source d’énergie, « moins nocive que les sources fossiles qui produisent des gaz comme le dioxyde de carbone ». Il insiste sur le fait que l’énergie nucléaire ne pollue pas et que, bien contrôlée et installée sur un site non sismique, une centrale d’avant-garde ne peut qu’apporter des avantages à un pays comme l’Italie.

Toutefois, cet expert, qui se déclare aussi ouvert aux énergies renouvelables, reconnaît que sans un véritable consensus populaire, aucune nouvelle centrale ne pourra être construite et activée en Italie, et ce quelle que soit l’issue de ce référendum.

A son avis, les peurs des Italiens sont vraiment démesurées par rapport à la réalité. Il dit que les Italiens craignent les radiations comme quelque chose d’invisible qui peut produire le mal extrême. Il dit aussi que la peur des Italiens est étroitement liée à leur manque de confiance dans les organes de contrôle environnementale et sanitaire. En d’autres termes, et c’est un point intéressant, il estime que si les Italiens avaient plus confiance en ceux qui les dirigent, ils seraient plus ouverts à un retour à l’atome sur la base du respect des règles de sécurité et de contrôle les plus rigoureuses.
 

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