De notre correspondant à Berlin,
« Il s’agit de l’épidémie la plus grave jamais observée en Allemagne et en Europe ». Le nouveau ministre de la Santé avait sans doute rêvé d’un baptême du feu moins difficile. Mercredi 8 juin 2011, après une réunion avec ses homologues des seize régions allemandes et leurs collègues en charge des consommateurs, Daniel Bahr s’est voulu légèrement optimiste en estimant que l’Allemagne « avait le plus dur derrière elle ». Il s’appuyait sur les derniers chiffres des autorités sanitaires montrant que l’augmentation des nouveaux cas n’était plus aussi importante. Depuis le début de l’épidémie, plus de 2000 personnes ont été touchées par la bactérie E.coli ; un tiers d’entre elles a été sérieusement malade. 27 sont mortes.
Les hôpitaux du Nord du pays, plus frappé, sont débordés mais la prise en charge des malades est satisfaisante. Le décodage du gène de la bactérie laisse espérer une amélioration des traitements à moyen terme, même si leur développement ne peut pas avoir lieu de façon rapide.
Une enquête qui piétine
Si le travail des hôpitaux ne donne pas lieu à des polémiques, il en va autrement de l’enquête sanitaire. L’opposition de gauche, les médias, mais aussi des experts se demandent pourquoi il est si laborieux de découvrir l’origine de la bactérie tueuse. Le fédéralisme allemand avec de nombreux acteurs est critiqué pour les retards qu’il impliquerait et le manque de coordination entre les différentes autorités sanitaires. Mais le gouvernement rejette les propositions de ceux qui réclament la mise en place d’une structure centralisée au plan fédéral. « C’est une discussion typiquement allemande, a estimé Daniel Bahr. L’essentiel réside dans la coordination des différents acteurs ». Pour le ministre de la Santé, celle-ci a bien fonctionné.
Pourtant, on s’interroge sur des pistes avancées par certains responsables qui ont été ensuite été démenties par des analyses scientifiques à commencer par les concombres espagnols disculpés la semaine dernière. Les résultats des prélèvements disponibles n’ont pas plus confirmé les soupçons pesant sur une ferme de Basse-Saxe produisant des graines germées.
Les autorités allemandes défendent leur stratégie. Le ministre de la Santé a reconnu des erreurs de communication. Mais les responsables politiques comme les experts estiment que la Santé des consommateurs doit prévaloir face aux intérêts économiques des producteurs agricoles et de la distribution.
Que manger ?
Mais les Allemands comme leurs voisins ne savent en tout cas plus à quel légume se vouer. Les autorités maintiennent toujours leurs recommandations à l’encontre des concombres, salades et autres tomates. Les consommateurs par prudence les ignorent dans leur supermarché. Un responsable de la distribution dans ce secteur a évoqué une baisse des ventes de 30 à 40%. Celles de concombres ont reculé de 70%.. Des légumes comme les carottes ou le brocoli, non concernés par les mesures de précaution officielles, sont aussi en perte de vitesse.
La gestion de la crise par les autorités allemandes a provoqué les critiques des pays voisins, à commencer par l’Espagne en raison des conséquences très négatives pour ses concombres. Mardi, Berlin a été isolé lors d’une rencontre des ministres européens de la Santé. Le commissaire de l’Union en charge du dossier, John Dalli n’avait pas été en reste. Il a appelé dans le quotidien allemand Die Welt mercredi Berlin à coopérer plus étroitement avec des experts étrangers. Une critique implicite de la gestion de la crise par l’Allemagne qui ne serait pas en mesure par ses propres moyens de la surmonter. Curieusement, le même John Dalli qui participait mercredi matin à la réunion des ministres allemands de la Santé et de la Consommation a changé son fusil d’épaule en rendant hommage à la politique menée par Berlin.